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#Expertise – Billet 11

Titre de l’article : Communication sociale et réactivité verbale des parents dans tous les contextes d’interaction chez les tout-petits autistes

Auteurs : A. Delehanty, C. M. Lorio, M. Romano, J. A. Brown, J. J. Woods and A. M. Wetherby

Date de parution : 24 février 2024

Résumé en quelques mots

Dans le cadre de l’intervention précoce, les orthophonistes travaillent avec les familles à partir des activités quotidiennes qui correspondent à leurs priorités pour apprendre à intégrer des stratégies d’intervention de soutien de l’apprentissage.

En effet, les activités quotidiennes :

  • présentent des opportunités répétées et intégrées d’interaction sociale et d’apprentissage des langues
  • fournissent une structure et une prévisibilité, augmentant la probabilité que les enfants apprennent les mots et les expressions utilisés par leurs tuteurs dans le cadre de cette interaction (routine)
  • offrent une généralisation facile car ils les pratiquent dans les mêmes contextes dans lesquels ils les utiliseront

Le contexte souvent préconisé est la lecture de livre. Et effectivement, une diversité accrue du vocabulaire et un plus grand nombre d’énoncés continuant le sujet ont été notés lors de la lecture partagée d’un livre par rapport à d’autres contextes. Ensuite vient le jeu traditionnel et encore derrière les jouets électroniques à rétroaction (son ou lumière), et ce même auprès des nourrissons.

Cette étude examine en profondeur les modèles de communication des enfants et les réponses verbales parentales dans différents contextes d’interaction au cours d’une observation à domicile d’une heure enregistrée sur vidéo chez 211 tout-petits âgés de 18 à 24 mois et identifiés plus tard comme autistes, avec et sans retard de développement (évaluation du développement réalisée à 36,6 mois).


Plus précisément, elle répond à quatre objectifs :
1. Préférences et interprétation en fonction de la proportion de temps consacré par les familles > dans quels contextes les familles communiquent-elles le plus ?
2. Comparaison des temps de communication des enfants > dans quels contextes d’interaction les enfants communiquent-ils le plus ?
3. Examen des proportions de fonctions communicatives des enfants exprimées dans des contextes d’interaction > quelles fonctions de communication selon les contextes ?
4. Exploration des modèles de réponses verbales parentales dans les contextes d’interaction > quelles réponses verbales parentales en fonction des contextes ?


Saluons l’ENORME travail d’étude vidéo et de codage observationnel granulaire pour tout séquencer selon les critères suivants (voir dans la partie Ressources complémentaires pour le détail) :

  • Contexte d’interaction en 8 catégories
  • Actes communicatifs de l’enfant et fonctions communicatives : dans l’étude, les actes de communication des enfants ont été identifiés à l’aide des critères du profil de développement CSBS de Wetherby et Prizant.
  • Réponse verbale des parents : L’étude analyse les 3 secondes après chaque acte de communication de l’enfant pour détecter l’apparition d’une réponse verbale contingente du parent.

L’étude montre que

  1. Contextes (dans quels contextes les familles communiquent-elles le plus ?) : tous groupes confondus, les familles consacrent le plus de temps de communication à jouer avec des jouets. Viennent ensuite les suivis de repas et de collations.
    Dans le détail, les parents d’enfants au développement typique ont consacré beaucoup plus de temps au partage de livres et aux tâches familiales que ceux des enfants autistes. Les parents d’enfants autistes ont passé plus de temps en transition que les parents d’enfants avec ou sans retard de développement.

  2. Taux par minute de communication avec les enfants (dans quels contextes d’interaction les enfants communiquent-ils le plus ?) : tous groupes confondus, les enfants communiquent davantage pendant le partage de livres et les jeux avec des personnes par rapport à tous les autres contextes d’interaction.
    Jouer avec les gens est souvent identifié comme une activité recommandée pour l’intervention précoce car c’est une activité qui favorise le plaisir partagé et les liens sociaux. De plus, la nature dyadique du jeu avec les gens donne lieu à moins de demandes qui distribuent l’attention entre les objets et les partenaires de communication.
    Enfin, les taux de communication étaient moindres lors des transitions par rapport à la fréquence des communications lors des activités planifiées, ce qui renseigne clairement sur l’importance des contextes d’interaction familiers et prévisibles pour favoriser la communication.

  3. Fonctions communicatives exprimées (quelles fonctions de communication selon les contextes ?) : la majeure partie des actes de communication concernaient la régulation du comportement loin devant l’interaction sociale et l’attention conjointe. En effet, les tout-petits vont consacrer beaucoup de leur temps de communication à refuser, faire des choix, demander. Et effectivement, les enfants TSA vont communiquer plus facilement pour formuler des demandes et protester que pour initier une attention commune et une interaction sociale, alors que l’attention conjointe s’est avérée être un prédicteur important des compétences linguistiques ultérieures.
    Seul 2 contextes diffèrent. D’abord le contexte de partage de livre voit une majeure partie des actes de communication des enfants exprimer de l’attention conjointe, les enfants tapotant ou étiquetant des images pour attirer l’attention. Ensuite dans le contexte de jeu avec des personnes, 59% des communications sont des actes d’interaction sociale.
    Voir le détail en ressources complémentaires

  4. Réponses verbales parentales (quelles réponses verbales parentales en fonction des contextes ?) : Dans tous les groupes, les contextes de partage de livres ou de jeu étaient associés à des proportions plus élevées de commentaires parentaux verbaux et non verbaux de suivi par rapport aux activités nécessaires, qui étaient associées proportionnellement à plus de directives de suivi (environ 40 % des réponses pendant les tâches ménagères et 36 % des pendant les transitions). Les commentaires non verbaux de suivi représentaient environ 56 % des réponses parentales pendant le jeu avec les gens. Dans tous les contextes d’interaction, les parents d’enfants sans retard de développement ont répondu en utilisant proportionnellement plus de commentaires de suivi verbaux par rapport aux autres groupes, alors que les parents d’enfants TSA ou avec retard de développement ont utilisé plus de commentaires de suivi non verbaux.

  5. Temps passé dans des contextes d’interaction : les tout-petits et leur famille passaient environ la moitié du temps à jouer avec des jouets, à jouer avec des gens et à jouer avec des accessoires (alors que le jeu ne représente qu’une petite partie de journée typique).
    Par ailleurs les enfants sans retard de développement passaient plus de temps sur les livres et tâches familiales que les enfants TSA. Une raison possible de cette différence pourrait être que certains enfants TSA de l’échantillon n’ont pas maintenu une attention et un engagement partagés pendant ces activités aussi longtemps que les enfants sans retard de développement. Les parents d’enfants TSA ont peut-être anticipé que leurs enfants pourraient avoir des besoins de soutien supplémentaires dans ces contextes et n’ont pas inclus ou ont abrégé ces activités. Les temps de transition peuvent être allongés pour les personnes TSA, qui peuvent fortement adhérer aux routines et préférer rester dans une activité une fois qu’elle a commencé.

Pourquoi c’est important

Il n’est pas nécessaire de rappeler l’importance de l’intervention précoce, a fortiori avec les enfants porteurs de TSA. Il est alors essentiel de respecter les préférences et les priorités des aidants naturels (quel contexte ? Quelles réponses ?). Cette étude offre alors un focus sur le renforcement de leur capacité à offrir des opportunités d’apprentissage au cours des activités quotidiennes, déjà reconnue dans la revue de données probantes de Zwaigenbaum en 2015.


En effet, les interactions avec les aidants naturels au cours des activités ordinaires qui se déroulent dans la vie quotidienne sont essentielles pour favoriser l’acquisition de compétences en communication sociale et en langage.

Ce que ça change

Notons que les trois fonctions de communication étudiées (régulation de comportement, attention conjointe et interaction sociale), qui sont toutes importantes et nécessaires, étaient représentées dans tous les contextes. Il est donc important de dire aux parents que l’apprentissage se joue aussi dans les actes du quotidien, pas uniquement dans le jeu ou plus largement, dans un moment privilégié.

Toutes les fonctions de communication sont présentes dans tous les contextes.

Les contextes et leurs comportements de communication associés pourraient être volontairement croisés.

Par exemple, comme l’attention conjointe est spontanément présente lors du partage de livres, les parents pourraient travailler les régulations de comportement avec les livres, en demandent à tourner la page ou en sollicitant à nouveau un extrait préféré. Ou encore initier une attention conjointe pendant une activité quotidienne en parlant d’objets, de personnes ou d’événements.

Ainsi, les contextes tels que les tâches familiales, les soins et les transitions peuvent permettre d’améliorer l’engagement actif, la qualité des activités de la vie quotidienne et le développement moteur.

L’un des biais de l’étude est que les temps consacrés au jeu sont plus grands sans doute aussi parce que les parents se savaient observés. Mais alors, ceci indique comme il est important de cibler les activités dans lesquelles l’enfant et le parent ont le sentiment de réussir.

Concrètement

  • J’intègre l’influence des contextes sur les comportements de communication.
    Lors d’une évaluation de la communication, je pense à comparer le taux de communication pendant un jeu avec un jouet par rapport au taux pendant le jeu avec des personnes.

  • J’intègre l’influence des activités sur les contextes d’interaction.
    Je me nourris des classifications pour identifier les activités qui servent de contextes d’interaction tout en me conformant aux préférences patient > voir les ressources complémentaires !

  • Je diversifie mes stratégies d’intervention en proposant de baser le travail sur les activités quotidiennes, telles que vérifier le courrier ou charger le lave-vaisselle. Je fournis aux familles des idées sur la façon de mettre en œuvre des stratégies d’intervention tout au long de la journée pour prolonger l’intervention dans davantage de contextes.

👉 Pour aller plus loin sur l’accompagnement parental, rendez-vous sur le module 3 de ChronOrtho ici

👉 Pour envoyer plus fluidement des préconisations aux familles, rendez-vous dans l’onglet séance, rubrique “Intégration dans le milieu” sur #Orthophonie

Ressources complémentaires

Proportions de fonctions communicatives des enfants exprimées dans les contextes d’interaction pour l’ensemble de l’échantillon :

Contexte d’interaction en 8 catégories
Quatre contextes d’interaction représentaient des activités axées sur le partage de livres et le jeu :
– (a) le partage de livres,
– (b) le jeu avec les gens (jeu dyadique sans objets, y compris les jeux sociaux tels que coucou et “Je vais t’avoir”, ainsi que des chansons et des comptines),
– (c) jouer avec des jouets,
– (d) jouer avec de gros objets comme accessoires (p. ex., balançoire, jouet à enfourcher).
Les quatre autres comprenaient des activités nécessaires auxquelles les familles participent quotidiennement :
– (e) les soins (par exemple, s’habiller, se laver les mains),
– (f) les tâches familiales (par exemple, nourrir un animal de compagnie, vérifier le courrier),
– (g) les repas ou les collations,
– (h) les transitions entre les activités.

Actes communicatifs de l’enfant et fonctions communicatives.

Un comportement de communication doit comprendre un geste, un son, un mot ou des combinaisons de mots + être dirigé vers une autre personne + exprimer une fonction de communication parmi les suivantes :

  • Régulation du comportement : demander ou protester contre des actions et des entités
  • Interaction sociale : saluer, « se montrer » ou attirer l’attention sur soi
  • Attention conjointe : diriger l’attention vers une entité ou un événement pour partager un intérêt ou un plaisir, commenter ou demander des informations

Réponses verbales des parents

Elles sont codées comme synchrones ou asynchrones selon qu’elles suivent ou non le centre d’attention de l’enfant.
Les réponses synchrones comprennent :

  • des commentaires verbaux de suivi : fournir des informations sémantiques ou syntaxiques supplémentaires à l’énoncé de l’enfant sans demander à l’enfant de modifier ses actions
  • des directives de suivi : demander à l’enfant de dire ou de faire quelque chose en lien avec l’objet centre de l’attention de l’enfant
  • des commentaires non verbaux de suivi : offrir des réponses affirmatives n’ajoutant pas d’informations linguistiques à l’acte de communication de l’enfant (par exemple, « Mm-hm », « Oh »).

Les réponses asynchrones recentrent l’attention ou le comportement de l’enfant et sont codées sous forme de commentaires ou de directives.
Si le parent ne répond pas dans les 3 secondes ou parle à une autre personne présente dans la pièce, la réponse est cotée opportunité manquée.

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