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#Expertise – Billet 6

Titre de l’article : Résister au capacitisme dans l’orthophonie en milieu scolaire : une invitation au changement

Auteurs : L. S. DeThorne, H. Gerlach-Houck

Date de parution : 17 janvier 2023

Résumé en quelques mots

“Tu as bien utilisé tes mots doux” sous-entendu “ne bégaie pas”.

Le capacitisme place le.a patient.e en situation de handicap, comprendre d’écart, de déviance à une norme considérée acceptable.

Or notre profession est construite sur le capacitisme : qui a des difficultés, qui n’en a pas ; qui doit ou peut être soigné, qui ne doit ou ne peut pas.

Au niveau sociétal, les stéréotypes se déploient : l’autisme a la figure de Rain Man et le bégaiement celle de l’introverti, timide et nerveux, à traiter comme un enfant. La voie vers l’oppression des personnes handicapées est sociétalement tracée. Car si vous avez un handicap, la société attend de vous que vous recherchiez un traitement, que vous cherchiez à effacer votre neuroatypie. A commencer, dans l’Antiquité, par mettre des cailloux dans la bouche des personnes qui bégayaient.

La revue déplace le regard : nous ne réparons plus des troubles, nous aidons le.a patient.e à vivre mieux. Modèle médical (soigner les troubles) et modèle social (limiter les retentissements sociaux) s’opposent donc dans la rééducation des handicaps.

Ainsi les personnes qui bégaient et les autistes dénoncent le rôle des professionnels (dont les orthophonistes) dans leurs encouragements à masquer (ou camoufler) ou à faire des efforts pour passer pour un membre du groupe dominant dans les interactions sociales.

Spécialement face à l’autisme et au bégaiement, il est donc recommandé de résister au capacitisme. La revue insiste alors sur la nécessité de repenser le rôle des orthophonistes.

Pourquoi c’est important

Le capacitisme peut être ressenti comme des micro-agressions du quotidien. A ce sujet, je vous invite à écouter l’excellent podcast de Je je je suis un podcast, épisode 18 “Les microagressions quand on bégaie”.

Il est donc fondamental d’entendre les conséquences de ses propositions d’aide et des techniques déployées, de l’implicite du compliment à la demande explicite de correction.

Cette revue replace également le focus sur la valeur de la communication. Il y a ce qu’on a à dire et comment on le dit. Il est essentiel pour un.e orthophoniste non seulement de donner la parole au patient.e, mais également de toujours écouter le message et donner priorité à la communication au lieu de jauger les paramètres verbaux et infra-verbaux.

Ce que ça change

Cette étude bouscule le rapport au handicap.

Avant tout, le handicap, c’est nous.

Nous qui jaugeons, nous qui évaluons l’écart à l’attendu normatif. Nous sommes câblés pour identifier la déviance, bref, la différence. Et à la réparer.

Sans ce regard posé sur la différence, la différence s’estompe.

Cette étude questionne aussi la perception des parents et leur capacitisme implicite (ne pas bégayer comme moi par ex). Revoir les attentes n’est pas seulement viser un objectif atteignable mais aussi réviser le capacitisme parental.

Il est en effet question ici de continuum. Il n’y a pas de gap : où le handicap commence / où le handicap s’arrête. Les malhabilités évoluent en troubles plus qu’elles ne basculent.

L’étiquette diagnotique a alors pour fonction de connaître les besoins. C’est une étape nécessaire à l’éligibilité aux aides.

Mais elle ne doit pas être confondue avec une frontière délimitant le monde de ceux qui appartiennent à la marge de celui des normotypiques.

Concrètement

  • Le WISC-V déjà avait fragmenté la conception de l’intelligence pour entendre le continuum et donc casser l’idée d’un profil HPI qui deviendrait différent à 130+ et d’un profil qui n’existerait pas en-deça de 130. On quitte le test de Binet (historiquement pour chercher qui pouvait rester en scolarité normale), on entre en compréhension du fonctionnement cognitif.
    J’entends le profil de mon.a patient.e, avec ses ressources, ses forces et ses failles. Je ne nomme pas une étiquette, une liste de déviances à corriger, mais je fais état de la rencontre avec une personne complexe et riche.

  • Le diagnostic se base sur un ensemble de critères, non seulement normés. L’évaluation psychodynamique, critériée et dynamique permettent de poser un diagnostic évolutif tenant compte des besoins plutôt que de faire coïncider avec un tableau clinique. Le.a patient.e n’est pas un “cas” mais une personne dont j’entends les besoins sans poser d’injonction normative.

  • Stop au capacitisme en matière de bégaiement et de troubles du spectre de l’autisme !! Comme cette famille qui accueillait tellement leur enfant qu’on en oubliait son fauteuil et ses difficultés praxiques, je ne nie pas les troubles, mais je mesure comment mes propositions thérapeutiques et mes feedback peuvent être des microagressions si elles reflètent une demande de normalisation.
    Je centre mon action sur l’humain et j’intègre le modèle social sans l’opposer au modèle médical. Il ne s’agit pas de nier l’existence des troubles mais d’estimer leur impact plus que leur gravité standard.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2022_LSHSS-22-00139

👉 Pour aller plus loin sur cet article, rendez-vous sur begaiement.app (podcast sur le modèle social et le modèle médical + veille scientifique).

👉 Pour aller plus loin sur l’intégration du modèle social dans le traitement du bégaiement de l’enfant d’âge scolaire, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation.

👉 Et pour aller plus loin sur les évaluations psychodynamique, critériée et dynamique, consultez la formation ChronOrtho en cliquant sur ce lien : https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-beta/

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