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#Expertise – Billet 9

Titre de l’article : Intervention narrative individualisée pour les enfants d’âge scolaire ayant un trouble du langage spécifique

Auteurs : A. Hessling, C. M. Schuele

Date de parution : 15 avril 2020

Résumé en quelques mots

La production narrative est définie comme la présentation orale d’événements ou d’expériences causalement liés dans un ordre temporel (Peterson, 1990). Les tâches narratives comprennent le récit et la génération d’histoires fictives ou personnelles.

L’intervention narrative a démontré son efficacité pour augmenter la productivité et la complexité du langage.

Pour inscrire la démarche au plus près de l’EBP, il est recommandé d’utiliser des protocoles de traitement standard qui fournissent une structure et soutiennent la mise en œuvre d’une intervention avec fidélité.

Story Champs en fait partie et s’adresse au grand ou petit groupe comme à l’individuel.

Chaque session d’intervention Story Champs comprend huit étapes réparties sur deux segments : raconter une histoire fictive et générer une histoire personnelle sur le sujet de l’histoire fictive (c’est-à-dire : « Parle-moi d’un moment où quelque chose comme ça t’est arrivé à toi”).

  • Des images sont placées sur la table pour modéliser une histoire fictive : c’est le segment de récit (étapes 1 à 4).
    Un échafaudage verbal et visuel selon les besoins de l’enfant (lignes de base) est fourni lorsque l’enfant ne produit pas d’élément de grammaire de l’histoire. Par exemple, dans l’élément de grammaire “sentiment”, l’orthophoniste peut poser d’abord une question ( « Comment John s’est-il senti lorsqu’il est tombé de son vélo ? »), puis si nécessaire, un modèle verbal. Cet étayage est ensuite retiré étape par étape dans une logique de zone proximité de développement.

  • Puis l’enfant est invité à raconter une histoire personnelle à l’aide d’une invite initiale (« Parlez-moi d’un moment où quelque chose comme ceci vous est arrivé ») : c’est le segment de génération d’histoires (étapes 5 à 8).
    Si l’enfant ne répond pas à l’invite initiale, l’orthophoniste suit une hiérarchie d’invites supplémentaires pour susciter une histoire personnelle : « Parle-moi d’une fois où tu as été blessé » > « Parle-moi d’un moment où quelqu’un s’est blessé » > « A ton tour de me dire l’histoire que je viens de te raconter » (c’est-à-dire un récit de l’histoire fictive plutôt que la génération d’une histoire personnelle).

Il ressort des données probantes que les Story Champs permettent d’améliorer le récit d’histoires, la génération d’histoires personnelles, l’acquisition de vocabulaire et la compréhension en lecture pour les enfants d’âge préscolaire ayant de faibles compétences linguistiques, pour les enfants d’âge scolaire avec et sans autisme et les enfants bilingues.

Les School-age children with specific Language Impairment (SLI) est le terme désignant un sous-groupe de troubles développementaux du langage dans lequel les enfants présentent des déficits du langage oral et des capacités intellectuelles non verbales dans la norme inférieure (c’est-à-dire un score standard ≥ 90).

Cette étude a porté sur quatre garçons SLI de 8 à 9 ans qui ont suivi le protocole Story Champs à raison de 2 fois par semaine. Trois éléments de grammaire d’histoire individualisés par participant ont été ciblés séquentiellement au cours des semaines d’intervention en fonction des besoins de chaque participant et identifiés au départ.

Selon les résultats, l’intervention narrative est efficace pour les enfants présentant divers handicaps. L’intervention langagière de macrostructure narrative facilite les compétences linguistiques sur le plan académique et social.

Toutefois, la variabilité des résultats démontre que les participants n’ont pas toujours réussi à consolider les compétences narratives ciblées. Une autre étude serait nécessaire pour savoir si les résultats seraient meilleurs si les mesures étaient prises plus tôt après l’intervention (cad sans subir la difficulté de consolidation en mémoire et d’apprentissage à long terme des TDN).

Les bénéfices les plus modestes concernent les objectifs de grammaire d’histoire individualisés, sauf pour les enfants ayant des difficultés de langage narratif plus sévères (taux de progrès plus rapide).

Pourquoi c’est important

Il est établit que les TND produisent des récits

  • moins complexes, moins complets et moins organisés sur le plan de la macrostructure
  • comportant moins de mots au total, moins de mots différents et plus d’erreurs syntaxiques sur le plan de la microstructure

Or des difficultés persistantes dans la production narrative auraient un effet négatif sur la réussite scolaire et sociale des enfants.

De plus, les recherches suggèrent que les compétences narratives orales des enfants soutiennent la compréhension écrite et la transition de la communication orale à la communication écrite (Peterson 1993).

> Il est donc essentiel de donner les moyens à nos petit.es patient.es de converser et partager avec leurs pairs, dit autrement, d’améliorer leur compétence narrative.

Ce que ça change

Cette étude sur l’intervention narrative pousse à envisager le travail du langage oral différemment :

  • en ciblant la macrostructure : la “grammaire de l’histoire”, c’est-à-dire la structure du récit
  • et en ciblant la microstructure : la complexité linguistique inhérente à la macrostructure, c’est-à-dire le vocabulaire et la syntaxe

Concrètement

  • Je propose des opportunités fréquentes de réponse. J’incorpore des invites narratives personnelles et pertinentes.
    Exit le “Alors… tu as fait quoi ce week-end ?…” (trop flou, juste prétexte pour l’occuper le temps d’ouvrir son dossier et pointer sa séance, soyons honnête…), welcome les intrusions d’anecdotes personnelles.

  • Je propose un échafaudage systématique et une rétroaction corrective immédiate.
    Je modélise, je donne un indiçage visuel, gestuel, verbal, sémantique et je passe par le même échafaudage pour soutenir l’expression de mon.a patient.e.

  • J’ai ma grille de lecture pour savoir quel objectif linguistique académique de microstructure (grammatical, lexical…) ou quel élément de macrostructure (grammaire de l’histoire : sentiment, plan, émotion finale…) je dois cibler dans mon intervention.
    Je ne me limite pas à la dichotomie réceptif vs expressif, lexical vs syntaxique, j’intègre une autre dimension et un regard plus transversal.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2019_LSHSS-19-00082

👉 Pour aller plus loin sur cet article, rendez-vous sur orthophonie.app, onglet Mon administratif, pour trouver les utilisations du matériel codé selon la logique de l’intervention narrative.

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Ressource complémentaire

Définitions opérationnelles et exemples d’éléments de grammaire d’histoire :

Éléments de grammaire de l’histoireDéfinitionExemples
PersonnageToute référence à un acteur (humain ou animal) dans un récit• Il y avait un garçon. • Sydney faisait du roller.
ParamètreToute référence à un lieu ou une heure• Il est allé au parc. • Sydney jalonnait mon allée à rouleaux .
ProblèmeUn événement ou un problème qui suscite une réponse de la part des personnages• Le garçon a vu un vaisseau spatial effrayant et a couru. • Elle a heurté une bosse et est tombée.
SentimentToute référence à un état psychologique tel que des sentiments, des émotions, des désirs ou des pensées liées au problème• Le garçon avait peur . • Elle était triste parce que sa main lui faisait mal.
PlanRéférence à un verbe cognitif qui indique l’intention d’agir sur un événement initiateur• Le garçon a décidé de s’enfuir. • Sydney avait prévu de rentrer chez elle pour se procurer un pansement. • Exemples de verbes cognitifs : décider, penser, planifier, etc.
Tentatives/actionsActions entreprises par le personnage principal en réponse à l’événement/problème initiateur déclaré ou implicite• Le garçon s’est enfui du vaisseau spatial. • Sydney s’est gratté la main au sol lorsqu’elle est tombée et après cela, elle est restée à l’écart des bosses.
ConséquenceLe résultat d’une action liée à l’événement initiateur• Le garçon s’est éloigné en rampant et s’est retrouvé à l’abri des extraterrestres. • Puis son frère lui a demandé : « Est-ce que ça va ? Ensuite, ils se sont amusés à faire du roller ensemble.
Emotion finaleÉmotion spécifique liée à une conséquence• Le garçon s’est senti en sécurité une fois de retour chez lui. • Elle a reçu un pansement et elle était heureuse.

Etapes d’intervention :

Génération d’une histoire fictive :

1. L’orthophoniste modélise l’histoire fictive avec plusieurs exemples d’éléments grammaticaux, des images et des icones

Redite

2. L’enfant répète l’histoire fictive avec images et icones

3. L’enfant répète l’histoire fictive avec icones

4. L’enfant répète l’histoire fictive sans images ni icones ni étayage de l’orthophoniste

Génération d’une histoire personnelle

5. L’orthophoniste accompagne l’enfant à générer une histoire personnelle

6. L’enfant répète l’histoire personnelle avec images et icones

7. L’enfant répète l’histoire personnelle avec icones

8. L’enfant répète l’histoire personnelle sans images ni icones ou étayage de l’orthophoniste