#Expertise – Billet 12

Titre de l’article : Comprendre l’impact plus large du bégaiement : les idées suicidaires

Auteurs : S. E. Tichenor, S. Palasik, J. S. Yaruss

Date de parution : 20 juillet 2023

Résumé en quelques mots

Cette étude explore l’apparition et la nature des idées suicidaires chez les adultes qui bégaient. Plus encore, elle étudie comment les idées suicidaires font partie de l’impact du bégaiement.

Le terme idées suicidaires fait référence aux pensées, à la communication et aux comportements liés à l’intention de mourir.

En 2019, le suicide représentait 1,3 % de tous les décès dans le monde (selon l’OMS). Toujours selon l’OMS, en 2010, la prévalence estimée des idées suicidaires au cours de la vie a été estimée à 9 %.

Nombreuses sont les personnes qui bégaient à éprouver des réactions affectives, comportementales et cognitives négatives à leur bégaiement. Ces réactions apparaissent et se développent avec les expériences négatives. Les personnes qui bégaient peuvent subir une stigmatisation intériorisée et une diminution de l’estime de soi. Ce qui est dangereux, c’est que les pensées négatives peuvent prendre la forme de « pensées négatives répétitives » : la personne rumine alors continuellement les difficultés liées à sa situation de vie et est plus à risque de développer des idées suicidaires.

L’étude porte sur 140 adultes ( âge M = 37,79, SD = 15,34) qui bégaient, selon les auto-évaluations. La plupart des participants ont déclaré avoir déjà reçu une thérapie contre le bégaiement (75,7 %) ; 40% avoir participé à des activités de self-help pour le bégaiement. 27,1 % de l’échantillon ont déclaré un diagnostic clinique d’anxiété ou de dépression.

Les résultats indiquent que les idées suicidaires étaient courantes chez les adultes qui bégaient dans cette étude (67,9 %). 62% de ceux qui ont déclaré avoir eu des idées suicidaires estimaient que ces pensées étaient au moins partiellement liées à leur bégaiement.

Plus les participants subissaient des impacts négatifs forts mesurés à l’OASES, ou plus ils vivaient de pensées négatives répétitives, plus ils étaient susceptibles d’avoir pensé à se suicider au cours de l’année écoulée. Le schéma inverse est également vrai : moins les participants avaient subi d’impacts négatifs liés au bégaiement ou moins ils étaient enclins aux pensées négatives répétitives, moins ils étaient susceptibles d’avoir eu des idées suicidaires dans l’année.

Les idées suicidaires sont influencées par plusieurs facteurs, notamment le sentiment de manque d’appartenance ou d’être un fardeau pour l’entourage ou la société. Ces sentiments sont variables et changent au fil du temps tout au long de la vie d’une personne.

De même, la gestion des idées suicidaires suit le même schéma : les pensées suicidaires peuvent être atténuées grâce aux habitudes de vie, en considérant les conséquences de ses pensées ou actions, et en obtenant ou en participant à un soutien. Il ressort des rapports de ces participants que les pensées suicidaires peuvent diminuer, mais qu’elles ne disparaissent pas toujours, et qu’elles peuvent être déclenchées de multiples façons en fonction de la personne, de sa relation avec le bégaiement et de ses expériences de vie.

Trois thèmes sont également apparus en réponse aux questions portant sur le changement au fil du temps et la gestion des idées suicidaires :

  • La protection se réfère aux facteurs qui atténuent ou protègent contre les pensées suicidaires en termes de fréquence ou de gravité
  • Le soutien fait référence à l’aide à faire face au bégaiement et aux pensées suicidaires
  • La prise en compte des conséquences possibles, thème étroitement associé à la variabilité. En d’autres termes, ces aspects évoluent et changent tout au long de la vie.

Pourquoi c’est important

Cette étude fonde le recrutement du bégaiement sur l’auto-évaluation ce qui est hautement intéressant car elle valide alors les expériences de ceux qui s’identifient comme vivant avec le bégaiement plutôt que des critères basés sur l’auditeur. Se dire bègue est plus fiable que faire dénombrer les disfluences perçues par un tiers. 

Plus spécifiquement, cette étude est importante dans la mesure où elle renforce le rôle des orthophonistes en matière d’éducation et de conseil. En effet, elle démontre que les scores élevés à l’OASES ou le grand nombre de pensées négatives répétitives étaient significativement associés à un risque accru de plus grandes idées suicidaires, ce qui souligne l’importance pour les orthophonistes de comprendre les expériences individuelles des patient.es qui bégaient et des facteurs qui peuvent les exposer à un risque plus élevé d’idées suicidaires.

Ce que ça change

Le sujet de l’étude même et ses résultats soutiennent la valeur d’une thérapie axée sur la diminution des effets indésirables sous toutes ses formes, plutôt que d’encourager uniquement ou principalement une parole perceptiblement fluide, ce que défendent Tichenor, Constantino, Herring et Yariss depuis 2019.

Il est vraiment temps d’intégrer ces pratiques dans nos rééducations, comme l’indiquent clairement le DSM-V et sa perspective « life-span » ainsi que les personnes qui bégaient elles-mêmes (dénonciation des micro-agressions liées aux demandes normatives plus ou moins implicites).

Concrètement

  • J’entends que le bégaiement peut être générateur d’idées suicidaires chez mon ou ma patient.e. Je tiens compte explicitement de l’état mental de mon ou ma patient.e et de son niveau de soutien.

  • J’opte pour une thérapie holistique du bégaiement en traitant les pensées et sentiments négatifs liés au bégaiement lorsqu’ils sont présents, en réduisant l’impact négatif du bégaiement sur la vie de mon ou ma patient.e.
    Je favorise une relation positive fondée sur l’empathie et l’honnêteté. J’assume mon le rôle de conseils comme défini par l’ASHA depuis 2016, c’est-à-dire incluant « les interactions liées aux réactions émotionnelles, aux pensées, aux sentiments et aux comportements qui résultent du fait de vivre avec le trouble de la communication ». J’aide mon ou ma patient.e à établir des liens et à développer des sentiments d’inclusion et d’appartenance.

  • Je donne toute son importance à l’acceptation, aux pensées positives, au travail de l’estime de soi, aux célébrations des succès, aux réussites globales dans la vie. Je m’appuie sur les thérapies comportementales et cognitives, la thérapie d’acceptation et d’engagement, la pleine conscience, la désensibilisation, l’acceptation de soi pour restructurer les schémas de pensée négatifs et promouvoir la résilience face aux pensées suicidaires. Ainsi, j’apprends à reconnaître, valoriser et accompagner les facteurs de protection. Sans prendre une place autre que la mienne, je reconnais et j’intègre les idées suicidaires comme une composante possible de mon travail d’accompagnement.

  • Je ne minimise pas le risque suicidaire. Je ne le traite pas directement moi-même. Je n’hésite pas à faire appel aux professionnels de la santé mentale pour déterminer le risque suicidaire et la conduite à tenir.

👉 Pour aller plus loin sur cet article, rendez-vous sur begaiement.app (surveillez les parutions de la veille scientifique).

👉 Pour aller plus loin sur le traitement du bégaiement, rendez-vous onglet formation.

#Expertise #Bégaiement #Validisme #Suicide #Thérapie #TCC

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 11

Titre de l’article : Communication sociale et réactivité verbale des parents dans tous les contextes d’interaction chez les tout-petits autistes

Auteurs : A. Delehanty, C. M. Lorio, M. Romano, J. A. Brown, J. J. Woods and A. M. Wetherby

Date de parution : 24 février 2024

Résumé en quelques mots

Dans le cadre de l’intervention précoce, les orthophonistes travaillent avec les familles à partir des activités quotidiennes qui correspondent à leurs priorités pour apprendre à intégrer des stratégies d’intervention de soutien de l’apprentissage.

En effet, les activités quotidiennes :

  • présentent des opportunités répétées et intégrées d’interaction sociale et d’apprentissage des langues
  • fournissent une structure et une prévisibilité, augmentant la probabilité que les enfants apprennent les mots et les expressions utilisés par leurs tuteurs dans le cadre de cette interaction (routine)
  • offrent une généralisation facile car ils les pratiquent dans les mêmes contextes dans lesquels ils les utiliseront

Le contexte souvent préconisé est la lecture de livre. Et effectivement, une diversité accrue du vocabulaire et un plus grand nombre d’énoncés continuant le sujet ont été notés lors de la lecture partagée d’un livre par rapport à d’autres contextes. Ensuite vient le jeu traditionnel et encore derrière les jouets électroniques à rétroaction (son ou lumière), et ce même auprès des nourrissons.

Cette étude examine en profondeur les modèles de communication des enfants et les réponses verbales parentales dans différents contextes d’interaction au cours d’une observation à domicile d’une heure enregistrée sur vidéo chez 211 tout-petits âgés de 18 à 24 mois et identifiés plus tard comme autistes, avec et sans retard de développement (évaluation du développement réalisée à 36,6 mois).


Plus précisément, elle répond à quatre objectifs :
1. Préférences et interprétation en fonction de la proportion de temps consacré par les familles > dans quels contextes les familles communiquent-elles le plus ?
2. Comparaison des temps de communication des enfants > dans quels contextes d’interaction les enfants communiquent-ils le plus ?
3. Examen des proportions de fonctions communicatives des enfants exprimées dans des contextes d’interaction > quelles fonctions de communication selon les contextes ?
4. Exploration des modèles de réponses verbales parentales dans les contextes d’interaction > quelles réponses verbales parentales en fonction des contextes ?


Saluons l’ENORME travail d’étude vidéo et de codage observationnel granulaire pour tout séquencer selon les critères suivants (voir dans la partie Ressources complémentaires pour le détail) :

  • Contexte d’interaction en 8 catégories
  • Actes communicatifs de l’enfant et fonctions communicatives : dans l’étude, les actes de communication des enfants ont été identifiés à l’aide des critères du profil de développement CSBS de Wetherby et Prizant.
  • Réponse verbale des parents : L’étude analyse les 3 secondes après chaque acte de communication de l’enfant pour détecter l’apparition d’une réponse verbale contingente du parent.

L’étude montre que

  1. Contextes (dans quels contextes les familles communiquent-elles le plus ?) : tous groupes confondus, les familles consacrent le plus de temps de communication à jouer avec des jouets. Viennent ensuite les suivis de repas et de collations.
    Dans le détail, les parents d’enfants au développement typique ont consacré beaucoup plus de temps au partage de livres et aux tâches familiales que ceux des enfants autistes. Les parents d’enfants autistes ont passé plus de temps en transition que les parents d’enfants avec ou sans retard de développement.

  2. Taux par minute de communication avec les enfants (dans quels contextes d’interaction les enfants communiquent-ils le plus ?) : tous groupes confondus, les enfants communiquent davantage pendant le partage de livres et les jeux avec des personnes par rapport à tous les autres contextes d’interaction.
    Jouer avec les gens est souvent identifié comme une activité recommandée pour l’intervention précoce car c’est une activité qui favorise le plaisir partagé et les liens sociaux. De plus, la nature dyadique du jeu avec les gens donne lieu à moins de demandes qui distribuent l’attention entre les objets et les partenaires de communication.
    Enfin, les taux de communication étaient moindres lors des transitions par rapport à la fréquence des communications lors des activités planifiées, ce qui renseigne clairement sur l’importance des contextes d’interaction familiers et prévisibles pour favoriser la communication.

  3. Fonctions communicatives exprimées (quelles fonctions de communication selon les contextes ?) : la majeure partie des actes de communication concernaient la régulation du comportement loin devant l’interaction sociale et l’attention conjointe. En effet, les tout-petits vont consacrer beaucoup de leur temps de communication à refuser, faire des choix, demander. Et effectivement, les enfants TSA vont communiquer plus facilement pour formuler des demandes et protester que pour initier une attention commune et une interaction sociale, alors que l’attention conjointe s’est avérée être un prédicteur important des compétences linguistiques ultérieures.
    Seul 2 contextes diffèrent. D’abord le contexte de partage de livre voit une majeure partie des actes de communication des enfants exprimer de l’attention conjointe, les enfants tapotant ou étiquetant des images pour attirer l’attention. Ensuite dans le contexte de jeu avec des personnes, 59% des communications sont des actes d’interaction sociale.
    Voir le détail en ressources complémentaires

  4. Réponses verbales parentales (quelles réponses verbales parentales en fonction des contextes ?) : Dans tous les groupes, les contextes de partage de livres ou de jeu étaient associés à des proportions plus élevées de commentaires parentaux verbaux et non verbaux de suivi par rapport aux activités nécessaires, qui étaient associées proportionnellement à plus de directives de suivi (environ 40 % des réponses pendant les tâches ménagères et 36 % des pendant les transitions). Les commentaires non verbaux de suivi représentaient environ 56 % des réponses parentales pendant le jeu avec les gens. Dans tous les contextes d’interaction, les parents d’enfants sans retard de développement ont répondu en utilisant proportionnellement plus de commentaires de suivi verbaux par rapport aux autres groupes, alors que les parents d’enfants TSA ou avec retard de développement ont utilisé plus de commentaires de suivi non verbaux.

  5. Temps passé dans des contextes d’interaction : les tout-petits et leur famille passaient environ la moitié du temps à jouer avec des jouets, à jouer avec des gens et à jouer avec des accessoires (alors que le jeu ne représente qu’une petite partie de journée typique).
    Par ailleurs les enfants sans retard de développement passaient plus de temps sur les livres et tâches familiales que les enfants TSA. Une raison possible de cette différence pourrait être que certains enfants TSA de l’échantillon n’ont pas maintenu une attention et un engagement partagés pendant ces activités aussi longtemps que les enfants sans retard de développement. Les parents d’enfants TSA ont peut-être anticipé que leurs enfants pourraient avoir des besoins de soutien supplémentaires dans ces contextes et n’ont pas inclus ou ont abrégé ces activités. Les temps de transition peuvent être allongés pour les personnes TSA, qui peuvent fortement adhérer aux routines et préférer rester dans une activité une fois qu’elle a commencé.

Pourquoi c’est important

Il n’est pas nécessaire de rappeler l’importance de l’intervention précoce, a fortiori avec les enfants porteurs de TSA. Il est alors essentiel de respecter les préférences et les priorités des aidants naturels (quel contexte ? Quelles réponses ?). Cette étude offre alors un focus sur le renforcement de leur capacité à offrir des opportunités d’apprentissage au cours des activités quotidiennes, déjà reconnue dans la revue de données probantes de Zwaigenbaum en 2015.


En effet, les interactions avec les aidants naturels au cours des activités ordinaires qui se déroulent dans la vie quotidienne sont essentielles pour favoriser l’acquisition de compétences en communication sociale et en langage.

Ce que ça change

Notons que les trois fonctions de communication étudiées (régulation de comportement, attention conjointe et interaction sociale), qui sont toutes importantes et nécessaires, étaient représentées dans tous les contextes. Il est donc important de dire aux parents que l’apprentissage se joue aussi dans les actes du quotidien, pas uniquement dans le jeu ou plus largement, dans un moment privilégié.

Toutes les fonctions de communication sont présentes dans tous les contextes.

Les contextes et leurs comportements de communication associés pourraient être volontairement croisés.

Par exemple, comme l’attention conjointe est spontanément présente lors du partage de livres, les parents pourraient travailler les régulations de comportement avec les livres, en demandent à tourner la page ou en sollicitant à nouveau un extrait préféré. Ou encore initier une attention conjointe pendant une activité quotidienne en parlant d’objets, de personnes ou d’événements.

Ainsi, les contextes tels que les tâches familiales, les soins et les transitions peuvent permettre d’améliorer l’engagement actif, la qualité des activités de la vie quotidienne et le développement moteur.

L’un des biais de l’étude est que les temps consacrés au jeu sont plus grands sans doute aussi parce que les parents se savaient observés. Mais alors, ceci indique comme il est important de cibler les activités dans lesquelles l’enfant et le parent ont le sentiment de réussir.

Concrètement

  • J’intègre l’influence des contextes sur les comportements de communication.
    Lors d’une évaluation de la communication, je pense à comparer le taux de communication pendant un jeu avec un jouet par rapport au taux pendant le jeu avec des personnes.

  • J’intègre l’influence des activités sur les contextes d’interaction.
    Je me nourris des classifications pour identifier les activités qui servent de contextes d’interaction tout en me conformant aux préférences patient > voir les ressources complémentaires !

  • Je diversifie mes stratégies d’intervention en proposant de baser le travail sur les activités quotidiennes, telles que vérifier le courrier ou charger le lave-vaisselle. Je fournis aux familles des idées sur la façon de mettre en œuvre des stratégies d’intervention tout au long de la journée pour prolonger l’intervention dans davantage de contextes.

👉 Pour aller plus loin sur l’accompagnement parental, rendez-vous sur le module 3 de ChronOrtho ici

👉 Pour envoyer plus fluidement des préconisations aux familles, rendez-vous dans l’onglet séance, rubrique « Intégration dans le milieu » sur #Orthophonie

Ressources complémentaires

Proportions de fonctions communicatives des enfants exprimées dans les contextes d’interaction pour l’ensemble de l’échantillon :

Contexte d’interaction en 8 catégories
Quatre contextes d’interaction représentaient des activités axées sur le partage de livres et le jeu :
– (a) le partage de livres,
– (b) le jeu avec les gens (jeu dyadique sans objets, y compris les jeux sociaux tels que coucou et « Je vais t’avoir », ainsi que des chansons et des comptines),
– (c) jouer avec des jouets,
– (d) jouer avec de gros objets comme accessoires (p. ex., balançoire, jouet à enfourcher).
Les quatre autres comprenaient des activités nécessaires auxquelles les familles participent quotidiennement :
– (e) les soins (par exemple, s’habiller, se laver les mains),
– (f) les tâches familiales (par exemple, nourrir un animal de compagnie, vérifier le courrier),
– (g) les repas ou les collations,
– (h) les transitions entre les activités.

Actes communicatifs de l’enfant et fonctions communicatives.

Un comportement de communication doit comprendre un geste, un son, un mot ou des combinaisons de mots + être dirigé vers une autre personne + exprimer une fonction de communication parmi les suivantes :

  • Régulation du comportement : demander ou protester contre des actions et des entités
  • Interaction sociale : saluer, « se montrer » ou attirer l’attention sur soi
  • Attention conjointe : diriger l’attention vers une entité ou un événement pour partager un intérêt ou un plaisir, commenter ou demander des informations

Réponses verbales des parents

Elles sont codées comme synchrones ou asynchrones selon qu’elles suivent ou non le centre d’attention de l’enfant.
Les réponses synchrones comprennent :

  • des commentaires verbaux de suivi : fournir des informations sémantiques ou syntaxiques supplémentaires à l’énoncé de l’enfant sans demander à l’enfant de modifier ses actions
  • des directives de suivi : demander à l’enfant de dire ou de faire quelque chose en lien avec l’objet centre de l’attention de l’enfant
  • des commentaires non verbaux de suivi : offrir des réponses affirmatives n’ajoutant pas d’informations linguistiques à l’acte de communication de l’enfant (par exemple, « Mm-hm », « Oh »).

Les réponses asynchrones recentrent l’attention ou le comportement de l’enfant et sont codées sous forme de commentaires ou de directives.
Si le parent ne répond pas dans les 3 secondes ou parle à une autre personne présente dans la pièce, la réponse est cotée opportunité manquée.

#Expertise #TSA #InterventionPrécoce #Communication #AccompagnementParental #PartenariatParental

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 10

Titre de l’article : Le contrôle inhibiteur, la flexibilité cognitive et la production de disfluences chez les enfants qui bégaient et ne bégaient pas

Auteurs : M. Paphiti, M. A. Talias, K. Eggers

Date de parution : 7 mars 2024

Résumé en quelques mots

Il s’agit de la première étude conçue pour évaluer directement les rôles du contrôle inhibiteur et de la flexibilité cognitive sur la production de disfluences chez l’enfant qui bégaie.

Le contrôle inhibiteur englobe le contrôle des interférences (c’est-à-dire l’inhibition des pensées et de l’attention sélective) et l’inhibition de la réponse (c’est-à-dire l’inhibition des comportements qui ne sont plus appropriés). L’inhibition de la réponse est considérée comme complexe lorsqu’il s’agit non seulement d’inhiber une réponse motrice, mais aussi d’en exécuter une conflictuelle.
La flexibilité cognitive est définie par Ionescu en 2012 comme la capacité à établir des changements, à avoir un contrôle cognitif et à avoir une pensée divergente. Elle s’appuie sur le contrôle inhibiteur et la mémoire de travail et permet de s’adapter aux changements environnementaux (nouvelles règles).

Depuis 2017, les études montrent que l’enfant d’âge scolaire qui bégaie a des performances de flexibilité cognitive inférieures à celles du l’enfant qui ne bégaie pas, ce qui suggère un rôle possible de la flexibilité cognitive dans le bégaiement développemental.
Toutefois, les études sur le lien contrôle inhibiteur, flexibilité cognitive et bégaiement donnent des résultats mitigés tant auprès des enfants que des adultes qui bégaient.


La présente étude pose les 2 questions suivantes :
– Existe-t-il un lien entre l’exécution de la tâche de contrôle inhibiteur (mesurée en vitesse ou en précision) et le nombre de disfluences de la parole (spécifiques ou non bègues) chez les enfants qui bégaient comparativement aux enfants qui ne bégaient pas ?
– Existe-t-il un lien entre la flexibilité cognitive, l’exécution des tâches et le nombre de disfluences de la parole produites par l’enfant qui bégaie en comparaison à l’enfant qui ne bégaie pas ?
L’étude se passe à Chypre auprès de 38 enfants de 6 à 9 ans : 19 qui bégaient (diagnostic posé par un orthophoniste et score au moins « léger » à l’ISS-4 de Riley) et 19 qui ne bégaient pas. Les enfants n’avaient pas suivi d’orthophonie, n’avaient pas de troubles quels qu’ils soient. Des mesures psychométriques ont été administrées avec l’épreuve de vocabulaire et de cubes, sans qu’il n’y ait de différence significative entre les 2 groupes. Au niveau du langage oral, aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes.

La principale constatation est qu’une moindre maîtrise du contrôle inhibiteur et de la flexibilité cognitive est associée à une augmentation de la production de disfluences caractéristiques du bégaiement dans le groupe des enfants qui bégaient (mais pas des autres disfluences).

Chez les adultes qui bégaient, cette augmentation de la fréquence du bégaiement dans les conversations corrélée à une faiblesse du contrôle inhibiteur avait déjà été démontrée par Bakhtiar et Eggers en 2023. D’autres études ont prouvé que les adultes qui bégaient présentent des difficultés d’inhibition des réponses vocales planifiées (Ning et al., 2017) ; un lien a été également établi entre les voies neuronales associées au contrôle inhibiteur et la gravité du bégaiement (Neef et al., 2018).

Pour aller plus loin, dans une étude antérieure, aucune différence de flexibilité cognitive n’a été constatée entre l’enfant qui bégaie d’âge préscolaire et l’enfant qui ne bégaie pas, alors qu’on relève des coûts de performance significativement plus élevés en termes de vitesse et de précision à l’âge scolaire. Ceci pourrait indiquer que la flexibilité cognitive contribue peut-être à la persistance du bégaiement.
Les résultats actuels peuvent être liés au modèle des fonctions exécutives de Anderson & Ofoe (2019), qui aborde spécifiquement les rôles du contrôle inhibiteur et de la flexibilité cognitive dans l’apparition, le développement et la persistance du bégaiement. Les auteurs émettent l’hypothèse que des déficits de contrôle inhibiteur et de flexibilité cognitive peuvent affecter l’émotion, la sensorialité, la motricité et le langage, entraînant des disfluences dans la production de la parole.

Pourquoi c’est important

Différents auteurs ont montré que les difficultés de planification de la parole augmentent la fréquence des troubles de la parole, entraînent une faible efficacité langagière et une augmentation des exigences attentionnelles. Le contrôle inhibiteur et la flexibilité cognitive sont associés au développement, à la formulation et à la production de la parole et du langage.

Traiter le langage, la parole et la fluence, c’est intégrer la composante transversale, exécutive et adaptative.

Si les résultats de la présente étude semblent s’aligner sur de nombreuses données, il faut bien tenir compte du fait qu’il s’agit d’un sujet à l’étude. La science dédira ou infirmera peut-être partiellement les éléments de conclusion ; mais il est aussi important d’ouvrir sa propre flexibilité que de faire preuve de sens critique.

Ce que ça change

Cette étude met en évidence le rôle possible des faiblesses du contrôle inhibiteur/de la flexibilité cognitive dans l’apparition et/ou la persistance du bégaiement. Le système de production de la parole et du langage reposerait sur le contrôle inhibiteur et une faible compétence en matière de contrôle inhibiteur entraînerait une proportion plus élevée de disfluences.
Il est donc essentiel de traiter la phonologie, le langage oral et les fonctions exécutives dans le cadre du bégaiement.

Par ailleurs, le contrôle inhibiteur joue un rôle essentiel dans l’autorégulation. Gabrys a montré en 2018 que la flexibilité coopérative aide à réguler les pensées négatives répétitives et à se désengager des aspects émotionnels d’une situation. Ainsi, une faiblesse dans le contrôle inhibiteur et la flexibilité cognitive engendre de la difficulté à réguler l’excitation émotionnelle et les pensées négatives dans des situations communicationnelles.
Intervenir auprès d’enfants qui bégaient devrait donc inclure, en plus des conseils à l’entourage et en complément des TCC, un travail d’autorégulation émotionnelle et d’ajustement aux perturbateurs de l’environnement. En ce sens, le travail des moqueries, hautement TCC, est aussi à considérer d’un point de vue flexibilité pour changer de regard sur la situation et envisager d’autres postures.

Concrètement

  • J’entends l’importance de la planification de la parole et du langage. J’investis d’autant plus l’intervention narrative (décidément mon dada des derniers mois !!). Je travaille à l’organisation du récit, la programmation phonologique.

  • J’entends comme émotion, contrôle, langage, fluence sont liés. Il y a les aspects dopaminergiques. Il y a les aspects émotionnels. Et il y a les aspects exécutifs. J’accompagne l’expression des émotions. J’investis le traitement de l’élaboration psychique dans le cadre du bégaiement du tout petit comme de l’enfant d’âge scolaire.

  • J’intègre le rôle du travail exécutif de la régulation émotionnelle comme un renforçateur de la résilience interne. Je travaille sur la flexibilité cognitive de mon.a patient.e afin de lui permettre de disposer de la ressource nécessaire pour ajuster ses réactions aux interactions avec son environnement.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2024_AJSLP-23-00242

👉 Pour aller plus loin sur cet article, relire le billet 7 sur la résilience et le billet 9 sur l’intervention narrative

👉 Pour aller plus loin sur le traitement du bégaiement de l’enfant d’âge scolaire, rendez-vous onglet formation.

#Expertise Bégaiement #Résilience #Inhibition #Flexibilité #Fonctionsexécutives

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement