#Expertise – Billet 7

Titre de l’article : Explorer la relation entre la résilience et l’impact négatif du bégaiement chez les enfants

Auteurs : B. M. Walsh, H. Grobbel, S. L. Christ, S. E. Tichenor, K. L. Gerwin

Date de parution : 12 juillet 2023

Résumé en quelques mots

Les impacts négatifs du bégaiement sont définis comme les pensées, émotions et attitudes négatives que les personnes développent en réaction aux limitations dues à leur bégaiement.

Or, si la conscience et les émotions négatives émergent dans l’enfance, très peu d’études jusqu’à présent portaient sur les facteurs de protection susceptibles d’atténuer l’impact négatif du bégaiement.

La résilience en fait partie et est au cœur de cette étude. Loin du sens essoré de la littérature de gare, la résilience « englobe la capacité à persévérer face à des situations difficiles, ce qui en fait un facteur de protection prometteur à cibler en thérapie ». La résilience fait alors référence à l’invulnérabilité propre de l’enfant, mais également dans une vision écologique, aux forces et soutien de l’environnement. La résilience c’est la récupération, l’adaptation ou le rebond après un facteur de stress.

Or la construction de la résilience est dynamique et malléable, faite d’éléments ordinaires et non le fruit d’une personnalité extraordinaire. La résilience se cultive, s’enrichit par les expériences et les interventions de l’extérieur, plus développementale et épigénétique que composante innée. La résilience comprend alors d’un côté des attributs personnels tels l’estime de soi, les capacités de résolution de problème et de l’autre côté des facteurs externes, environnementaux comme ses propres expériences et le niveau de soutien communautaire.

Le lien résilience et bégaiement est maintenant établi : les personnes qui bégaient avec une plus grande résilience ont une meilleure satisfaction dans la vie et une plus grande acceptation de soi.

Cet article propose alors d’envisager la résilience comme un objectif thérapeutique prometteur pour diminuer l’impact négatif du bégaiement dans le temps.

L’étude porte sur 148 enfants âgés de 5 à 18 ans et leurs parents et confirme la forte corrélation entre la résilience et des niveaux plus faibles d’impact négatif.

Plus spécifiquement, les facteurs de résilience externes tels le soutien parental mais aussi l’accès à la nourriture ont un effet modéré. Les facteurs de résilience personnelle tels que l’auto-efficacité et la résolution de problème ont un effet important.

Pourquoi c’est important

Toujours corrélé à la perspective life-span, ce regard sur l’impact négatif du bégaiement dépasse le bégaie/ne bégaie pas pour s’intéresser à la qualité de vie ou la satisfaction personnelle.

Nourrir la résilience est davantage envisagé comme un facteur de protection non pas de la qualité de la parole mais bien du ressenti du locuteur : dans les études citées, certains groupes de référence bégayaient de la même façon post-traitement mais différaient en termes d’impact et donc de vivre bègue.

Ce que ça change

Ce courant reventile la perception des thérapies classées old school il y a peu : TCC, modèle des capacités et des demandes, accompagnement de la communication familiale… Loin du tout technique pro-fluence, il s’agit ici d’accompagner l’enfant qui bégaie à développer sa capacité à grandir avec le bégaiement sans que celui-ci n’impacte sa trajectoire personnelle.

En outre, l’article impulse une dynamique d’accueil du patient non pas seulement « dans sa globalité », mais davantage dans son auto-efficacité : sa capacité de prise de décision, sa capacité propre de résolution de problème… Le patient n’est pas un être frêle qui attend passivement une solution externe, mais un être complet et pro-actif.

Concrètement

  • En séance, je favorise les facteurs de résilience externes : écouter mon.a patient.e, travailler en partenariat ensemble dans une relation de collaboration et de confiance, entendre et valider ses émotions, faire preuve de chaleur et d’empathie… J’entends l’alliance thérapeutique comme une source de résilience externe et donc de réussite du traitement.
    J’accompagne les familles dans leurs relations parents-enfant en proposant des stratégies d’enrichissement de la communication avec leur enfant : se concentrer sur le message et non la forme, renforcer l’écoute et les échanges, accompagner le quotidien…

  • Je renforce le soutien comportemental selon la taxonomie de l’intensivité de l’intervention. J’aide les familles à offrir un soutien parental, un amour et une acceptation de leur enfant inconditionnels. Je les accompagne à baisser leur niveau d’exigence et à poser un regard moins normatif, plus accueillant sur leur enfant et ses particularités : il s’agit moins de réussite ou de performance, plus de traits de caractère, d’atouts et de ressources pour rendre l’ enfant « responsable d’être le.a meilleur.e d’iel-même ».

  • J’entraîne la résilience personnelle de mon.a patient.e en le.a sollicitant dans la décision partagée, en validant les choix thérapeutiques et les moyens pour y arriver. Je demande souvent « De quoi as-tu besoin aujourd’hui ? ». J’expose mes propositions thérapeutiques : les buts, les perspectives et j’encourage mon.a patient.e à co-créer les contenus de séance.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2023_JSLHR-23-00012

👉 Pour aller plus loin sur cet article, rendez-vous sur begaiement.app (surveillez les parutions de la veille scientifique).

👉 Et pour aller plus loin sur la taxonomie de l’intervention, consultez le module 2 de la formation ChronOrtho « La prise en soin intensive » en cliquant sur ce lien : https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-2-la-prise-en-soin-intensive/

👉 Pour aller plus loin sur le traitement du bégaiement de l’enfant d’âge scolaire, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation.

#Expertise #Resilience  #Impact #taxonomie #Intensivité

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 6

Titre de l’article : Résister au capacitisme dans l’orthophonie en milieu scolaire : une invitation au changement

Auteurs : L. S. DeThorne, H. Gerlach-Houck

Date de parution : 17 janvier 2023

Résumé en quelques mots

« Tu as bien utilisé tes mots doux » sous-entendu « ne bégaie pas ».

Le capacitisme place le.a patient.e en situation de handicap, comprendre d’écart, de déviance à une norme considérée acceptable.

Or notre profession est construite sur le capacitisme : qui a des difficultés, qui n’en a pas ; qui doit ou peut être soigné, qui ne doit ou ne peut pas.

Au niveau sociétal, les stéréotypes se déploient : l’autisme a la figure de Rain Man et le bégaiement celle de l’introverti, timide et nerveux, à traiter comme un enfant. La voie vers l’oppression des personnes handicapées est sociétalement tracée. Car si vous avez un handicap, la société attend de vous que vous recherchiez un traitement, que vous cherchiez à effacer votre neuroatypie. A commencer, dans l’Antiquité, par mettre des cailloux dans la bouche des personnes qui bégayaient.

La revue déplace le regard : nous ne réparons plus des troubles, nous aidons le.a patient.e à vivre mieux. Modèle médical (soigner les troubles) et modèle social (limiter les retentissements sociaux) s’opposent donc dans la rééducation des handicaps.

Ainsi les personnes qui bégaient et les autistes dénoncent le rôle des professionnels (dont les orthophonistes) dans leurs encouragements à masquer (ou camoufler) ou à faire des efforts pour passer pour un membre du groupe dominant dans les interactions sociales.

Spécialement face à l’autisme et au bégaiement, il est donc recommandé de résister au capacitisme. La revue insiste alors sur la nécessité de repenser le rôle des orthophonistes.

Pourquoi c’est important

Le capacitisme peut être ressenti comme des micro-agressions du quotidien. A ce sujet, je vous invite à écouter l’excellent podcast de Je je je suis un podcast, épisode 18 « Les microagressions quand on bégaie ».

Il est donc fondamental d’entendre les conséquences de ses propositions d’aide et des techniques déployées, de l’implicite du compliment à la demande explicite de correction.

Cette revue replace également le focus sur la valeur de la communication. Il y a ce qu’on a à dire et comment on le dit. Il est essentiel pour un.e orthophoniste non seulement de donner la parole au patient.e, mais également de toujours écouter le message et donner priorité à la communication au lieu de jauger les paramètres verbaux et infra-verbaux.

Ce que ça change

Cette étude bouscule le rapport au handicap.

Avant tout, le handicap, c’est nous.

Nous qui jaugeons, nous qui évaluons l’écart à l’attendu normatif. Nous sommes câblés pour identifier la déviance, bref, la différence. Et à la réparer.

Sans ce regard posé sur la différence, la différence s’estompe.

Cette étude questionne aussi la perception des parents et leur capacitisme implicite (ne pas bégayer comme moi par ex). Revoir les attentes n’est pas seulement viser un objectif atteignable mais aussi réviser le capacitisme parental.

Il est en effet question ici de continuum. Il n’y a pas de gap : où le handicap commence / où le handicap s’arrête. Les malhabilités évoluent en troubles plus qu’elles ne basculent.

L’étiquette diagnotique a alors pour fonction de connaître les besoins. C’est une étape nécessaire à l’éligibilité aux aides.

Mais elle ne doit pas être confondue avec une frontière délimitant le monde de ceux qui appartiennent à la marge de celui des normotypiques.

Concrètement

  • Le WISC-V déjà avait fragmenté la conception de l’intelligence pour entendre le continuum et donc casser l’idée d’un profil HPI qui deviendrait différent à 130+ et d’un profil qui n’existerait pas en-deça de 130. On quitte le test de Binet (historiquement pour chercher qui pouvait rester en scolarité normale), on entre en compréhension du fonctionnement cognitif.
    J’entends le profil de mon.a patient.e, avec ses ressources, ses forces et ses failles. Je ne nomme pas une étiquette, une liste de déviances à corriger, mais je fais état de la rencontre avec une personne complexe et riche.

  • Le diagnostic se base sur un ensemble de critères, non seulement normés. L’évaluation psychodynamique, critériée et dynamique permettent de poser un diagnostic évolutif tenant compte des besoins plutôt que de faire coïncider avec un tableau clinique. Le.a patient.e n’est pas un « cas » mais une personne dont j’entends les besoins sans poser d’injonction normative.

  • Stop au capacitisme en matière de bégaiement et de troubles du spectre de l’autisme !! Comme cette famille qui accueillait tellement leur enfant qu’on en oubliait son fauteuil et ses difficultés praxiques, je ne nie pas les troubles, mais je mesure comment mes propositions thérapeutiques et mes feedback peuvent être des microagressions si elles reflètent une demande de normalisation.
    Je centre mon action sur l’humain et j’intègre le modèle social sans l’opposer au modèle médical. Il ne s’agit pas de nier l’existence des troubles mais d’estimer leur impact plus que leur gravité standard.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2022_LSHSS-22-00139

👉 Pour aller plus loin sur cet article, rendez-vous sur begaiement.app (podcast sur le modèle social et le modèle médical + veille scientifique).

👉 Pour aller plus loin sur l’intégration du modèle social dans le traitement du bégaiement de l’enfant d’âge scolaire, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation.

👉 Et pour aller plus loin sur les évaluations psychodynamique, critériée et dynamique, consultez la formation ChronOrtho en cliquant sur ce lien : https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-beta/

#Expertise #ModèleSocial #Capacitisme #Handicap #Microagression

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 5

Titre de l’article : Troubles du neurodéveloppement Repérage et orientation des enfants à risque

Auteurs : Haute Autorité de Santé

Date de parution : Février 2020

Résumé en quelques mots

Les TND sont apparus d’abord avec le DSM-5 (2015 en version française) et la CIM-11 (2018). On parle alors de déviation plus ou moins précoce de la trajectoire développementale typique entraînant des difficultés significatives dans l’acquisition et l’exécution de fonctions spécifiques intellectuelles, motrices, sensorielles, comportementales ou sociales.

Sont alors intégrés au TDN les troubles de la communication, le trouble spécifique des apprentissages mais aussi les troubles moteurs, les handicaps intellectuels, le déficit de l’attention/hyperactivité, les SAF, le trouble du spectre autistique.

Le parcours de dépistage commence dès le contexte de risque qui interpelle le médecin de 1er recours.

Viennent ensuite les signes d’appel qui objectivent les décalages.

Ils sont étayés par les signes d’alerte, qui correspondent à une déviation importante de la trajectoire développementale et déclenchent la recherche diagnostique.

La consultation spécialisée en développement doit statuer sur les signes d’alerte et le caractère pathologique ou non du décalage.

Elle ne remplace pour autant pas la consultation diagnostique spécialisée et multidisciplinaire.

Cette recommandation de la HAS sanctifie l’orientation précoce vers les professionnels et le rôle majeur de la guidance parentale.

L’un des objectifs de la recommandation est effectivement d’accompagner les familles, a fortiori les familles à risque, à commencer par leur expliquer clairement les facteurs de risque et de protection sans rendre cette présentation anxiogène. C’est donner les moyens aux familles d’ajuster leurs stratégies et comportements tant qu’il en est encore temps.

Pourquoi c’est important

L’HAS met l’accent sur le rôle des facteurs environnementaux.

De fait, parmi les signes d’appel, qui précèdent les signes d’alerte, est intégrée l’inquiétude parentale.

« Quel que soit l’âge, toute inquiétude des parents concernant le neurodéveloppement de leur enfant doit être considérée comme un signe d’appel ».

Il est donc enfin officiellement reconnu que la position attentiste « attendez, ne vous inquiétez pas, ça va sans doute passer tout seul » a assez causé de tort et qu’il est préférable de consulter en cas de doute.

Cette recommandation replace l’orthophoniste dans son rôle de diagnostic : on statue sur la pathologie de développement, ce qui ne signifie pas qu’on se substitue à l’équipe.

En effet, l’annonce du résultat du repérage est une obligation déontologique. Elle a pour fonction d’informer clairement et sans alarmisme les parents sur les facteurs de risque et les stratégies de développement.

Ce que ça change

L’HAS insiste sur la notion de continuum entre les différentes catégories nosographiques. C’est toute la finesse de l’avancée conduite depuis le groupe Catalise en 2017 avec la redéfinition des troubles du langage et des sons de la parole. Mêmes difficultés initiales entre « simples » difficultés et « vrai » trouble…

De fait, cette recherche d’identification précoce voire anté-natale des signes d’alerte oriente très clairement vers une intervention précoce. On n’attend plus la consultation PMI… A 18 mois, il est préconisé de ne pas attendre plus de 3 à 6 mois avant de mettre en place les suivis thérapeutiques nécessaires.

L’HAS préconise donc un parcours harmonisé de repérage des troubles grâce aux CRP et au choix des questions anamnestiques.

Concrètement

  • Je respecte le fléchage. J’oriente toujours la famille vers son médecin 1ère ligne. J’incite à remplir les grilles de repérage afin de faciliter le parcours du patient vers un médecin 2ème ligne et j’oriente vers un médecin spécialisé lorsque j’identifie des signes d’alerte.
    De mon côté, à ma place d’orthophoniste, je pose un diagnostic clair et éclairé sur la trajectoire développementale du patient en termes de communication, de langage et d’apprentissages.

  • Je mets en place un questionnaire pré-anamnestique qui tient compte explicitement des facteurs prénataux ou néonataux considérés de haut risque et les facteurs considérés de risque plus modérés. J’utilise également des CRP (comptes-rendus parentaux).
    Je recherche donc activement les facteurs d’appel et les facteurs d’alerte ainsi que les facteurs de risque. Oui, demander la profession de maman pour connaître son niveau d’études et sa catégorie socio-professionnelle a du sens. Oui, demander s’il y a vulnérabilité psycho-affective a du sens.

  • Je travaille +++ avec les parents sans peur de les froisser en nommant les facteurs de risque. J’explique les stratégies favorables, les facteurs de protection et les conduites à tenir comme les facteurs de risque et les conduites à éviter. J’ai conscience que ma peur de froisser m’appartient et que je peux informer avec délicatesse.
    J’ai conscience qu’il est essentiel de ne pas déposséder les parents de leur enfant et de leur restituer leur capacité à agir. Car c’est ça, être responsable de leur enfant.

Lien vers l’article complet : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-03/reco299_recommandations_reperage_tnd_mel_v2.pdf

👉 Pour aller plus loin sur la classification des troubles, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet Ressources > Les services Lobster > Les troubles du langage oral.

👉 Pour découvrir le questionnaire pré-anamnestique écrit par Jérémy Périchon et tenant compte explicitement des facteurs de risque, rendez-vous sur #Orthophonie https://orthophonie.app/#/ .

👉 Pour aller plus loin sur les CRP, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation > ChronOrtho module 3 – L’accompagnement parental https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-3-laccompagnement-parental/ .

Ressource complémentaire

Pour retrouver tous les facteurs de risque, téléchargez le document en cliquant ici :

Organigramme des tests de repérage d’un TDN – HAS

Organigramme des lignes de suivi – HAS

#Expertise #CRP #FacteursDeRisque #SignesdAlerte #SignesdAppel #AccompagnementParental #GuidanceParentale

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 4

Titre de l’article : Enseignement du vocabulaire intégré à l’intervention narrative : une étude de design d’acquisition répétée avec des élèves de 4ème grade à risque de difficultés de lecture basées sur le langage.

Auteurs : T. D. Spencer, M. S. Kirby, D. B. Petersen

Date de parution : 3 janvier 2024

Résumé en quelques mots

La recherche montre que les difficultés de compréhension en lecture chez les enfants défavorisés ou grandissant dans une autre langue maternelle que la langue de l’écrit sont principalement le signe d’une difficulté dans la langue et non dans la lecture de mots. En effet, aux Etats-Unis, une étude nationale a montré que 66% des élèves de 4ème grade (équivalent CM1 en France) ne comprennent pas suffisamment ce qu’ils lisent alors qu’ils ne sont que 12% à lire avec une précision trop faible.

Comme la compréhension en lecture est la résultante de l’identification des mots et de la compréhension du langage, l’écart compréhension/précision est donc lié à une maîtrise du vocabulaire limitée.

L’intervention narrative est une intervention linguistique contextualisée qui aborde différents canaux de langage dit « académique ». Elle utilise la narration orale par le biais de récit, de livres ou de génération d’histoires, avec la promotion ciblée de certaines formes linguistiques :

la grammaire de l’histoire – les mots de l’histoire.

L’étude menée ici auprès de 11 enfants + 3 témoins a permis de démontrer que l’acquisition de vocabulaire grâce à l’intervention narrative avait des effets spectaculaires et durables, dans la mesure où l’intervention avait lieu au moins 2 fois 30 minutes par semaine pendant 6 semaines.

Pourquoi c’est important

L’intervention narrative est déjà validée scientifiquement et son usage augmente ces dernières années, mais pas encore dans le but de travailler la compréhension écrite.

Cet article est précieux car il établit la force de l’intervention narrative sur le niveau de vocabulaire des enfants, y compris en difficultés de langage, et ainsi sur la capacité de compréhension en lecture.

Il préconise donc une prise en charge précoce du vocabulaire en intervention narrative dès la maternelle chez les enfants à risque de développer des difficultés en compréhension du langage écrit.

Ce que ça change

Cet article expose comment intégrer le vocabulaire de façon contextualisée. Le mode d’approche du vocabulaire au sein de l’intervention narrative est alors une approche basée sur l’expérimentation active par le.a patient.e qui définit iel-même les mots, raconte iel-même à nouveau l’histoire.

La modalité de rééducation individuelle est démystifiée puisque l’intervention narrative est recommandée en groupe. De même, le transfert à la maison pour que les parents refassent et entrainent est un relais potentiel qui délocalise la place de l’orthophoniste.

Concrètement

  • Je maximise les effets de mon intervention tout en gagnant en motivation pour mes patient.es grâce aux groupes d’intervention narrative.

  • Je travaille les mots académiques et les mots spécifiques selon la modalité « Intervention narrative ».
    Je présente des mots « difficiles » dans une histoire, je les définis en les indiçant par le contexte, je les discute, je demande à mon.a patient.e de définir entre 2 choix (« ça veut dire ça ou ça ? »), je les redis dans un autre contexte.
    Je travaille sur les structures grammaticales de mes énoncés, la prédiction grammaticale (avec un livre sans texte par exemple), je vérifie le nombre de phrases complexes énoncées par mon.a patient.e (avec parce que, quand, après…).
    Je travaille les éléments du récit. J’offre des occasions de faire redire l’histoire (avec des cartes imagées).

  • Je valide le pouvoir de l’exposition répétée. Comme dans l’étude, j’intègre la maximisation de la rétention par la répétition (et donc la fréquence) et par l’intensification (sur 6 semaines minimum).
    Je crée des « roues d’intensification » en planifiant mes objectifs sur  6 semaines et en vérifiant mon efficacité à travers les résultats post-6 semaines.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2023_AJSLP-23-00004

rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation > ChronOrtho module 2 – La prise en soin intensive https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-2-la-prise-en-soin-intensive/

#Expertise #LangageOral #Maximisation #InterventionNarrative

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 3

Titre de l’article : L’Error-Related Negativity prédit l’apprentissage par le renforcement et les biais de conflit

Auteurs : B.S. Woroch et T. Curran

Date de parution : 2005

Résumé en quelques mots

Les ErN (Error-Related Negativity) sont des marqueurs électrophysiologiques activés dans le cingulaire antérieur. Mesurés par EEG, les ErN produisent une baisse de dopamine quand nous faisons des erreurs dans une tâche cognitive (« Mince, je me suis trompé.e »). Un autre courant attribue à l’ErN un « simple » indice de gestion de conflit cognitif (« Tiens, ça ne s’est pas passé comme prévu »).

L’étude démontre que les ErN ne sont pas seulement responsables de la détection d’erreur mais également de leur correction. Plus les ErN sont larges, meilleure est la capacité d’apprentissage en évitant mieux les réponses inadaptées. Le ralentissement observé après une erreur est donc moins comportemental (ralentissement du délai de réponse) que cognitif (apprentissage pour ne pas reproduire l’erreur).

Les apprenants de l’étude sont répartis en 2 groupes : apprenants par renforcement positif (« c’était bien ça ») ou négatif (« Mince il y a une erreur »). Les apprenants négatifs avaient des ErN plus élevés montrant qu’ils étaient plus affectés par les erreurs et donc apprenaient davantage que les apprenants positifs.

Encore mieux, il démontre que les apprenants qui utilisent leurs ErN – sont plus efficaces que ceux qui apprennent plutôt de leurs réussites (ErN +). En effet, face à une tâche de choix entre 2 bonnes réponses ou 2 mauvaises, l’étude montre que nous sommes davantage enclin à apprendre de nos erreurs que de nos bons choix.

En conclusion, l’article montre que les ErN peuvent être comprises comme un indicateur de la flexibilité cognitive, nécessaire aux apprentissages.

Pourquoi c’est important

L’ErN se déclenche quand le cerveau détecte une erreur :

  • je croyais que j’avais la bonne réponse > c’est pourtant la mauvaise : ErN –
  • Je croyais que j’avais la mauvaise réponse > c’est pourtant la bonne : ErN –

L’ErN – renvoie donc à une erreur de prédiction et non à une erreur cognitive.

Nous pouvons être apprenant « ErN négative » : « j’apprends de mes erreurs » ; ou nous pouvons être apprenant « ErN positive » : « J’apprends de mes réussites »

Or l’étude a établi que les ErN étaient plus importantes face à des erreurs qu’à des réussites. Elle montre donc clairement l‘importance du traitement de l’erreur.

Or l’ErN est dépendante du feedback que l’apprenant reçoit. Je n’ai pas de feedback (pas de « c’est bien ça » ou « ce n’est pas ça »), je n’ai pas d’ErN. Logique.

Cet article est donc important pour comprendre et qualifier le type de feedback à renvoyer en fonction de l’erreur et de l’apprenant.

Ce que ça change

L’amplitude de l’ErN prédit la sensibilité à l’apprentissage par renforcement positif ou négatif, le degré avec lequel les participants apprennent de leurs erreurs.

Il est donc important de savoir comment le patient apprend : plutôt en ErN positif ou négatif, pour savoir comment l’aider dans la correction de ses erreurs et dans sa réatroaction (rétroaction : j’apprends à retenir mon 1er mouvement pour trouver une autre manière de résoudre la tâche. Typiquement c’est la rétroaction qui inhibe le critère longueur pour entrer dans le critère dénombrement).

Puisque les ErN sont aussi responsables de la gestion de conflits, il peut être important de renforcer l’ErN – de nos patients pour les aider à mieux gérer leur affectivité (ne pas avoir peur d’échouer) et ouvrir leur flexibilité cognitive. Ne pas avoir peur du conflit, ne pas avoir peur de l’échec, avoir un sentiment de stabilité et de sérénité face aux apprentissages.

Concrètement

  • Je mesure l’importance de mes retours en rééducation. Il ne s’agit pas que de penser récompense (« c’est bien, bravo » : ErN+), ni même de procéder à des auto-corrections rapides (à l’ordinateur par exemple, et hop, on passe vite à l’item d’après). Il s’agit au contraire de renvoyer le feedback nécessaire au repérage et au traitement de l’erreur.
    J’intègre les ErN négatifs comme une modalité de soutien comportemental.

  • Je prends en compte la sensibilité à la rétroaction. J’ouvre une vraie réflexion sur les erreurs avec mon ou ma patient.e. Je lui permets de connaître ses erreurs, pour savoir comment les éviter plus tard. Je lui apprends à « Rater mieux la prochaine fois » (merci Charles Pépin).
    Je travaille à la sensibilité à la correction des erreurs. J’oriente mon ou ma patient.e vers le mode « lecture », l’auto-correction au lieu du mode « auto-jugement négatif ».
    Je traite les ErN négatifs comme une occasion d’apprendre.

  • Je quitte ma posture de gentil.le orthophoniste qui place son ou sa patient.e en zone de réussite (« pour l’encourager ») et j’intègre le traitement de l’erreur comme une composante essentielle à l’apprentissage.
    Je considère la zone proximale de développement comme une zone d’erreurs acceptables et compréhensibles et non pas comme une zone de soutien à la réussite.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1016/j.neuron.2005.06.020

👉 Pour aller plus loin sur le traitement de l’erreur et le changement de posture, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation > Haut potentiel et apprentissages.

👉 Pour aller plus loin surle soutien comportemental,  rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation > ChronOrtho module 2 – La prise en soin intensive https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-2-la-prise-en-soin-intensive/

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#2024

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#Expertise – Billet 2

Titre de l’article : Objectifs de langage réceptif : compréhension ou compliance ?

Auteurs : Roman LaForce

Date de parution : 8 mars 2023

Résumé en quelques mots

Partant du constat que les objectifs réceptifs sont le plus souvent travaillés et évalués sous forme de directives par étapes (« Mets le cube dessus » > « Mets le cube bleu dessus »), Roman LaForce étudie la différence entre compréhension et compliance. Mieux, il évalue comment mesurer la compliance à nos consignes affecte nos patient.es.

La patiente de 2 ans prise en exemple dans l’article oppose un refus quand son orthophoniste ajoute une étape de compréhension (« bleu ») à la consigne (« Mets le cube dessus ») pourtant comprise à 80% la séance précédente.

La question est de savoir si la patiente avait compris la consigne ou simplement suivi la directive ?

Ici, la non-conformité lors de la 2ème séance peut alors être entendue comme le développement d’une compétence linguistique importante : le refus.

Ainsi, si le travail du langage réceptif repose uniquement sur la réponse conforme à des directives, les orthophonistes risquent d’enseigner involontairement une compliance excessive.

Or, la surconformité inhibe l’autonomie : la capacité à dire « non » est en effet la base pour réagir à des dangers tels que des abus potentiels.

De fait, centrer le travail sur la conformité de son ou sa patient.e, non seulement ne concerne pas le langage réceptif véritable, mais également entre en opposition avec le travail d’autonomisation et d’indépendance du ou de la patient.e.

Pourquoi c’est important

La compliance est traduite littéralement par « conformité ». En médecine, la compliance est l’observance du patient, son « obéissance » dans le suivi du traitement prescrit. Mais la compliance c’est aussi le conformisme, la réponse aux consignes, le respect des règles pour prévenir les risques encourus en cas de non-respect.

Or Roman LaForce se réfère à une étude de 2000 qui montre que le risque de maltraitance chez les enfants présentant des troubles du langage est 3,4 fois plus élevé que dans la population générale.

Il est donc essentiel de faire la part des choses entre savoir comprendre, apprendre à se conformer, et contraindre son ou sa patient.e à une surconformité dangereuse.

Ce que ça change

Cet article s’inscrit dans un mouvement impulsé par le DSM-V de prise en compte globale des impacts fonctionnels et de la perspective « life-span » (tout au long de la vie). Il nous pousse à considérer les impacts fonctionnels inhérents à nos outcomes orthophoniques (les conséquences de l’atteinte de mes objectifs).

Concrètement

  • En séance, j’accepte le « non » comme étant une acquisition, une habilité communicationnelle émergente. J’accueille l’opposition et je formule officiellement un objectif « cadre » quand la séance est mise en échec : visiblement, ce.tte patient.e avait davantage besoin d’apprendre les conséquences de sa non-conformité que d’étoffer le lexique des fruits. Je suis heureuse et soulagée d’apprendre que ma patiente très chutée en réceptif sait s’opposer avec ses camarades (même fortement) et j’en parle très concrètement avec la famille.
    Je travaille avec la non-conformité que j’accueille comme un outcome fonctionnel.

  • Je comprends le travail réceptif comme étant intégré dans un travail linguistique global. Je travaille les compétences linguistiques ensemble dans un seul objectif linguistique expressif. L’amélioration des performances expressives peut être entendue comme un bon indicateur de la compétence en langage réceptif.
    Je travaille les outils linguistiques dans leur globalité en intégrant les inter-dépendances expressif-réceptif.

  • Je modifie la formulation de mes objectifs vers plus de naturel en incluant la réponse à mes consignes et à mes questions avec des concepts linguistiques (dont le « non ») plutôt que de simples réponses favorables à mes directives.
    Je comprends les réponses de mon ou ma patient.e de manière écologique, fonctionnelle et psychodynamique.

Lien vers l’article complet : https://leader.pubs.asha.org/do/10.1044/leader.MIW.28032023.slp-compliance-comprehension.32/full/

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