#Expertise – Billet 12

Titre de l’article : Comprendre l’impact plus large du bégaiement : les idées suicidaires

Auteurs : S. E. Tichenor, S. Palasik, J. S. Yaruss

Date de parution : 20 juillet 2023

Résumé en quelques mots

Cette étude explore l’apparition et la nature des idées suicidaires chez les adultes qui bégaient. Plus encore, elle étudie comment les idées suicidaires font partie de l’impact du bégaiement.

Le terme idées suicidaires fait référence aux pensées, à la communication et aux comportements liés à l’intention de mourir.

En 2019, le suicide représentait 1,3 % de tous les décès dans le monde (selon l’OMS). Toujours selon l’OMS, en 2010, la prévalence estimée des idées suicidaires au cours de la vie a été estimée à 9 %.

Nombreuses sont les personnes qui bégaient à éprouver des réactions affectives, comportementales et cognitives négatives à leur bégaiement. Ces réactions apparaissent et se développent avec les expériences négatives. Les personnes qui bégaient peuvent subir une stigmatisation intériorisée et une diminution de l’estime de soi. Ce qui est dangereux, c’est que les pensées négatives peuvent prendre la forme de “pensées négatives répétitives” : la personne rumine alors continuellement les difficultés liées à sa situation de vie et est plus à risque de développer des idées suicidaires.

L’étude porte sur 140 adultes ( âge M = 37,79, SD = 15,34) qui bégaient, selon les auto-évaluations. La plupart des participants ont déclaré avoir déjà reçu une thérapie contre le bégaiement (75,7 %) ; 40% avoir participé à des activités de self-help pour le bégaiement. 27,1 % de l’échantillon ont déclaré un diagnostic clinique d’anxiété ou de dépression.

Les résultats indiquent que les idées suicidaires étaient courantes chez les adultes qui bégaient dans cette étude (67,9 %). 62% de ceux qui ont déclaré avoir eu des idées suicidaires estimaient que ces pensées étaient au moins partiellement liées à leur bégaiement.

Plus les participants subissaient des impacts négatifs forts mesurés à l’OASES, ou plus ils vivaient de pensées négatives répétitives, plus ils étaient susceptibles d’avoir pensé à se suicider au cours de l’année écoulée. Le schéma inverse est également vrai : moins les participants avaient subi d’impacts négatifs liés au bégaiement ou moins ils étaient enclins aux pensées négatives répétitives, moins ils étaient susceptibles d’avoir eu des idées suicidaires dans l’année.

Les idées suicidaires sont influencées par plusieurs facteurs, notamment le sentiment de manque d’appartenance ou d’être un fardeau pour l’entourage ou la société. Ces sentiments sont variables et changent au fil du temps tout au long de la vie d’une personne.

De même, la gestion des idées suicidaires suit le même schéma : les pensées suicidaires peuvent être atténuées grâce aux habitudes de vie, en considérant les conséquences de ses pensées ou actions, et en obtenant ou en participant à un soutien. Il ressort des rapports de ces participants que les pensées suicidaires peuvent diminuer, mais qu’elles ne disparaissent pas toujours, et qu’elles peuvent être déclenchées de multiples façons en fonction de la personne, de sa relation avec le bégaiement et de ses expériences de vie.

Trois thèmes sont également apparus en réponse aux questions portant sur le changement au fil du temps et la gestion des idées suicidaires :

  • La protection se réfère aux facteurs qui atténuent ou protègent contre les pensées suicidaires en termes de fréquence ou de gravité
  • Le soutien fait référence à l’aide à faire face au bégaiement et aux pensées suicidaires
  • La prise en compte des conséquences possibles, thème étroitement associé à la variabilité. En d’autres termes, ces aspects évoluent et changent tout au long de la vie.

Pourquoi c’est important

Cette étude fonde le recrutement du bégaiement sur l’auto-évaluation ce qui est hautement intéressant car elle valide alors les expériences de ceux qui s’identifient comme vivant avec le bégaiement plutôt que des critères basés sur l’auditeur. Se dire bègue est plus fiable que faire dénombrer les disfluences perçues par un tiers. 

Plus spécifiquement, cette étude est importante dans la mesure où elle renforce le rôle des orthophonistes en matière d’éducation et de conseil. En effet, elle démontre que les scores élevés à l’OASES ou le grand nombre de pensées négatives répétitives étaient significativement associés à un risque accru de plus grandes idées suicidaires, ce qui souligne l’importance pour les orthophonistes de comprendre les expériences individuelles des patient.es qui bégaient et des facteurs qui peuvent les exposer à un risque plus élevé d’idées suicidaires.

Ce que ça change

Le sujet de l’étude même et ses résultats soutiennent la valeur d’une thérapie axée sur la diminution des effets indésirables sous toutes ses formes, plutôt que d’encourager uniquement ou principalement une parole perceptiblement fluide, ce que défendent Tichenor, Constantino, Herring et Yariss depuis 2019.

Il est vraiment temps d’intégrer ces pratiques dans nos rééducations, comme l’indiquent clairement le DSM-V et sa perspective “life-span” ainsi que les personnes qui bégaient elles-mêmes (dénonciation des micro-agressions liées aux demandes normatives plus ou moins implicites).

Concrètement

  • J’entends que le bégaiement peut être générateur d’idées suicidaires chez mon ou ma patient.e. Je tiens compte explicitement de l’état mental de mon ou ma patient.e et de son niveau de soutien.

  • J’opte pour une thérapie holistique du bégaiement en traitant les pensées et sentiments négatifs liés au bégaiement lorsqu’ils sont présents, en réduisant l’impact négatif du bégaiement sur la vie de mon ou ma patient.e.
    Je favorise une relation positive fondée sur l’empathie et l’honnêteté. J’assume mon le rôle de conseils comme défini par l’ASHA depuis 2016, c’est-à-dire incluant “les interactions liées aux réactions émotionnelles, aux pensées, aux sentiments et aux comportements qui résultent du fait de vivre avec le trouble de la communication”. J’aide mon ou ma patient.e à établir des liens et à développer des sentiments d’inclusion et d’appartenance.

  • Je donne toute son importance à l’acceptation, aux pensées positives, au travail de l’estime de soi, aux célébrations des succès, aux réussites globales dans la vie. Je m’appuie sur les thérapies comportementales et cognitives, la thérapie d’acceptation et d’engagement, la pleine conscience, la désensibilisation, l’acceptation de soi pour restructurer les schémas de pensée négatifs et promouvoir la résilience face aux pensées suicidaires. Ainsi, j’apprends à reconnaître, valoriser et accompagner les facteurs de protection. Sans prendre une place autre que la mienne, je reconnais et j’intègre les idées suicidaires comme une composante possible de mon travail d’accompagnement.

  • Je ne minimise pas le risque suicidaire. Je ne le traite pas directement moi-même. Je n’hésite pas à faire appel aux professionnels de la santé mentale pour déterminer le risque suicidaire et la conduite à tenir.

👉 Pour aller plus loin sur cet article, rendez-vous sur begaiement.app (surveillez les parutions de la veille scientifique).

👉 Pour aller plus loin sur le traitement du bégaiement, rendez-vous onglet formation.

#Expertise #Bégaiement #Validisme #Suicide #Thérapie #TCC

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 11

Titre de l’article : Communication sociale et réactivité verbale des parents dans tous les contextes d’interaction chez les tout-petits autistes

Auteurs : A. Delehanty, C. M. Lorio, M. Romano, J. A. Brown, J. J. Woods and A. M. Wetherby

Date de parution : 24 février 2024

Résumé en quelques mots

Dans le cadre de l’intervention précoce, les orthophonistes travaillent avec les familles à partir des activités quotidiennes qui correspondent à leurs priorités pour apprendre à intégrer des stratégies d’intervention de soutien de l’apprentissage.

En effet, les activités quotidiennes :

  • présentent des opportunités répétées et intégrées d’interaction sociale et d’apprentissage des langues
  • fournissent une structure et une prévisibilité, augmentant la probabilité que les enfants apprennent les mots et les expressions utilisés par leurs tuteurs dans le cadre de cette interaction (routine)
  • offrent une généralisation facile car ils les pratiquent dans les mêmes contextes dans lesquels ils les utiliseront

Le contexte souvent préconisé est la lecture de livre. Et effectivement, une diversité accrue du vocabulaire et un plus grand nombre d’énoncés continuant le sujet ont été notés lors de la lecture partagée d’un livre par rapport à d’autres contextes. Ensuite vient le jeu traditionnel et encore derrière les jouets électroniques à rétroaction (son ou lumière), et ce même auprès des nourrissons.

Cette étude examine en profondeur les modèles de communication des enfants et les réponses verbales parentales dans différents contextes d’interaction au cours d’une observation à domicile d’une heure enregistrée sur vidéo chez 211 tout-petits âgés de 18 à 24 mois et identifiés plus tard comme autistes, avec et sans retard de développement (évaluation du développement réalisée à 36,6 mois).


Plus précisément, elle répond à quatre objectifs :
1. Préférences et interprétation en fonction de la proportion de temps consacré par les familles > dans quels contextes les familles communiquent-elles le plus ?
2. Comparaison des temps de communication des enfants > dans quels contextes d’interaction les enfants communiquent-ils le plus ?
3. Examen des proportions de fonctions communicatives des enfants exprimées dans des contextes d’interaction > quelles fonctions de communication selon les contextes ?
4. Exploration des modèles de réponses verbales parentales dans les contextes d’interaction > quelles réponses verbales parentales en fonction des contextes ?


Saluons l’ENORME travail d’étude vidéo et de codage observationnel granulaire pour tout séquencer selon les critères suivants (voir dans la partie Ressources complémentaires pour le détail) :

  • Contexte d’interaction en 8 catégories
  • Actes communicatifs de l’enfant et fonctions communicatives : dans l’étude, les actes de communication des enfants ont été identifiés à l’aide des critères du profil de développement CSBS de Wetherby et Prizant.
  • Réponse verbale des parents : L’étude analyse les 3 secondes après chaque acte de communication de l’enfant pour détecter l’apparition d’une réponse verbale contingente du parent.

L’étude montre que

  1. Contextes (dans quels contextes les familles communiquent-elles le plus ?) : tous groupes confondus, les familles consacrent le plus de temps de communication à jouer avec des jouets. Viennent ensuite les suivis de repas et de collations.
    Dans le détail, les parents d’enfants au développement typique ont consacré beaucoup plus de temps au partage de livres et aux tâches familiales que ceux des enfants autistes. Les parents d’enfants autistes ont passé plus de temps en transition que les parents d’enfants avec ou sans retard de développement.

  2. Taux par minute de communication avec les enfants (dans quels contextes d’interaction les enfants communiquent-ils le plus ?) : tous groupes confondus, les enfants communiquent davantage pendant le partage de livres et les jeux avec des personnes par rapport à tous les autres contextes d’interaction.
    Jouer avec les gens est souvent identifié comme une activité recommandée pour l’intervention précoce car c’est une activité qui favorise le plaisir partagé et les liens sociaux. De plus, la nature dyadique du jeu avec les gens donne lieu à moins de demandes qui distribuent l’attention entre les objets et les partenaires de communication.
    Enfin, les taux de communication étaient moindres lors des transitions par rapport à la fréquence des communications lors des activités planifiées, ce qui renseigne clairement sur l’importance des contextes d’interaction familiers et prévisibles pour favoriser la communication.

  3. Fonctions communicatives exprimées (quelles fonctions de communication selon les contextes ?) : la majeure partie des actes de communication concernaient la régulation du comportement loin devant l’interaction sociale et l’attention conjointe. En effet, les tout-petits vont consacrer beaucoup de leur temps de communication à refuser, faire des choix, demander. Et effectivement, les enfants TSA vont communiquer plus facilement pour formuler des demandes et protester que pour initier une attention commune et une interaction sociale, alors que l’attention conjointe s’est avérée être un prédicteur important des compétences linguistiques ultérieures.
    Seul 2 contextes diffèrent. D’abord le contexte de partage de livre voit une majeure partie des actes de communication des enfants exprimer de l’attention conjointe, les enfants tapotant ou étiquetant des images pour attirer l’attention. Ensuite dans le contexte de jeu avec des personnes, 59% des communications sont des actes d’interaction sociale.
    Voir le détail en ressources complémentaires

  4. Réponses verbales parentales (quelles réponses verbales parentales en fonction des contextes ?) : Dans tous les groupes, les contextes de partage de livres ou de jeu étaient associés à des proportions plus élevées de commentaires parentaux verbaux et non verbaux de suivi par rapport aux activités nécessaires, qui étaient associées proportionnellement à plus de directives de suivi (environ 40 % des réponses pendant les tâches ménagères et 36 % des pendant les transitions). Les commentaires non verbaux de suivi représentaient environ 56 % des réponses parentales pendant le jeu avec les gens. Dans tous les contextes d’interaction, les parents d’enfants sans retard de développement ont répondu en utilisant proportionnellement plus de commentaires de suivi verbaux par rapport aux autres groupes, alors que les parents d’enfants TSA ou avec retard de développement ont utilisé plus de commentaires de suivi non verbaux.

  5. Temps passé dans des contextes d’interaction : les tout-petits et leur famille passaient environ la moitié du temps à jouer avec des jouets, à jouer avec des gens et à jouer avec des accessoires (alors que le jeu ne représente qu’une petite partie de journée typique).
    Par ailleurs les enfants sans retard de développement passaient plus de temps sur les livres et tâches familiales que les enfants TSA. Une raison possible de cette différence pourrait être que certains enfants TSA de l’échantillon n’ont pas maintenu une attention et un engagement partagés pendant ces activités aussi longtemps que les enfants sans retard de développement. Les parents d’enfants TSA ont peut-être anticipé que leurs enfants pourraient avoir des besoins de soutien supplémentaires dans ces contextes et n’ont pas inclus ou ont abrégé ces activités. Les temps de transition peuvent être allongés pour les personnes TSA, qui peuvent fortement adhérer aux routines et préférer rester dans une activité une fois qu’elle a commencé.

Pourquoi c’est important

Il n’est pas nécessaire de rappeler l’importance de l’intervention précoce, a fortiori avec les enfants porteurs de TSA. Il est alors essentiel de respecter les préférences et les priorités des aidants naturels (quel contexte ? Quelles réponses ?). Cette étude offre alors un focus sur le renforcement de leur capacité à offrir des opportunités d’apprentissage au cours des activités quotidiennes, déjà reconnue dans la revue de données probantes de Zwaigenbaum en 2015.


En effet, les interactions avec les aidants naturels au cours des activités ordinaires qui se déroulent dans la vie quotidienne sont essentielles pour favoriser l’acquisition de compétences en communication sociale et en langage.

Ce que ça change

Notons que les trois fonctions de communication étudiées (régulation de comportement, attention conjointe et interaction sociale), qui sont toutes importantes et nécessaires, étaient représentées dans tous les contextes. Il est donc important de dire aux parents que l’apprentissage se joue aussi dans les actes du quotidien, pas uniquement dans le jeu ou plus largement, dans un moment privilégié.

Toutes les fonctions de communication sont présentes dans tous les contextes.

Les contextes et leurs comportements de communication associés pourraient être volontairement croisés.

Par exemple, comme l’attention conjointe est spontanément présente lors du partage de livres, les parents pourraient travailler les régulations de comportement avec les livres, en demandent à tourner la page ou en sollicitant à nouveau un extrait préféré. Ou encore initier une attention conjointe pendant une activité quotidienne en parlant d’objets, de personnes ou d’événements.

Ainsi, les contextes tels que les tâches familiales, les soins et les transitions peuvent permettre d’améliorer l’engagement actif, la qualité des activités de la vie quotidienne et le développement moteur.

L’un des biais de l’étude est que les temps consacrés au jeu sont plus grands sans doute aussi parce que les parents se savaient observés. Mais alors, ceci indique comme il est important de cibler les activités dans lesquelles l’enfant et le parent ont le sentiment de réussir.

Concrètement

  • J’intègre l’influence des contextes sur les comportements de communication.
    Lors d’une évaluation de la communication, je pense à comparer le taux de communication pendant un jeu avec un jouet par rapport au taux pendant le jeu avec des personnes.

  • J’intègre l’influence des activités sur les contextes d’interaction.
    Je me nourris des classifications pour identifier les activités qui servent de contextes d’interaction tout en me conformant aux préférences patient > voir les ressources complémentaires !

  • Je diversifie mes stratégies d’intervention en proposant de baser le travail sur les activités quotidiennes, telles que vérifier le courrier ou charger le lave-vaisselle. Je fournis aux familles des idées sur la façon de mettre en œuvre des stratégies d’intervention tout au long de la journée pour prolonger l’intervention dans davantage de contextes.

👉 Pour aller plus loin sur l’accompagnement parental, rendez-vous sur le module 3 de ChronOrtho ici

👉 Pour envoyer plus fluidement des préconisations aux familles, rendez-vous dans l’onglet séance, rubrique “Intégration dans le milieu” sur #Orthophonie

Ressources complémentaires

Proportions de fonctions communicatives des enfants exprimées dans les contextes d’interaction pour l’ensemble de l’échantillon :

Contexte d’interaction en 8 catégories
Quatre contextes d’interaction représentaient des activités axées sur le partage de livres et le jeu :
– (a) le partage de livres,
– (b) le jeu avec les gens (jeu dyadique sans objets, y compris les jeux sociaux tels que coucou et “Je vais t’avoir”, ainsi que des chansons et des comptines),
– (c) jouer avec des jouets,
– (d) jouer avec de gros objets comme accessoires (p. ex., balançoire, jouet à enfourcher).
Les quatre autres comprenaient des activités nécessaires auxquelles les familles participent quotidiennement :
– (e) les soins (par exemple, s’habiller, se laver les mains),
– (f) les tâches familiales (par exemple, nourrir un animal de compagnie, vérifier le courrier),
– (g) les repas ou les collations,
– (h) les transitions entre les activités.

Actes communicatifs de l’enfant et fonctions communicatives.

Un comportement de communication doit comprendre un geste, un son, un mot ou des combinaisons de mots + être dirigé vers une autre personne + exprimer une fonction de communication parmi les suivantes :

  • Régulation du comportement : demander ou protester contre des actions et des entités
  • Interaction sociale : saluer, « se montrer » ou attirer l’attention sur soi
  • Attention conjointe : diriger l’attention vers une entité ou un événement pour partager un intérêt ou un plaisir, commenter ou demander des informations

Réponses verbales des parents

Elles sont codées comme synchrones ou asynchrones selon qu’elles suivent ou non le centre d’attention de l’enfant.
Les réponses synchrones comprennent :

  • des commentaires verbaux de suivi : fournir des informations sémantiques ou syntaxiques supplémentaires à l’énoncé de l’enfant sans demander à l’enfant de modifier ses actions
  • des directives de suivi : demander à l’enfant de dire ou de faire quelque chose en lien avec l’objet centre de l’attention de l’enfant
  • des commentaires non verbaux de suivi : offrir des réponses affirmatives n’ajoutant pas d’informations linguistiques à l’acte de communication de l’enfant (par exemple, « Mm-hm », « Oh »).

Les réponses asynchrones recentrent l’attention ou le comportement de l’enfant et sont codées sous forme de commentaires ou de directives.
Si le parent ne répond pas dans les 3 secondes ou parle à une autre personne présente dans la pièce, la réponse est cotée opportunité manquée.

#Expertise #TSA #InterventionPrécoce #Communication #AccompagnementParental #PartenariatParental

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 10

Titre de l’article : Le contrôle inhibiteur, la flexibilité cognitive et la production de disfluences chez les enfants qui bégaient et ne bégaient pas

Auteurs : M. Paphiti, M. A. Talias, K. Eggers

Date de parution : 7 mars 2024

Résumé en quelques mots

Il s’agit de la première étude conçue pour évaluer directement les rôles du contrôle inhibiteur et de la flexibilité cognitive sur la production de disfluences chez l’enfant qui bégaie.

Le contrôle inhibiteur englobe le contrôle des interférences (c’est-à-dire l’inhibition des pensées et de l’attention sélective) et l’inhibition de la réponse (c’est-à-dire l’inhibition des comportements qui ne sont plus appropriés). L’inhibition de la réponse est considérée comme complexe lorsqu’il s’agit non seulement d’inhiber une réponse motrice, mais aussi d’en exécuter une conflictuelle.
La flexibilité cognitive est définie par Ionescu en 2012 comme la capacité à établir des changements, à avoir un contrôle cognitif et à avoir une pensée divergente. Elle s’appuie sur le contrôle inhibiteur et la mémoire de travail et permet de s’adapter aux changements environnementaux (nouvelles règles).

Depuis 2017, les études montrent que l’enfant d’âge scolaire qui bégaie a des performances de flexibilité cognitive inférieures à celles du l’enfant qui ne bégaie pas, ce qui suggère un rôle possible de la flexibilité cognitive dans le bégaiement développemental.
Toutefois, les études sur le lien contrôle inhibiteur, flexibilité cognitive et bégaiement donnent des résultats mitigés tant auprès des enfants que des adultes qui bégaient.


La présente étude pose les 2 questions suivantes :
– Existe-t-il un lien entre l’exécution de la tâche de contrôle inhibiteur (mesurée en vitesse ou en précision) et le nombre de disfluences de la parole (spécifiques ou non bègues) chez les enfants qui bégaient comparativement aux enfants qui ne bégaient pas ?
– Existe-t-il un lien entre la flexibilité cognitive, l’exécution des tâches et le nombre de disfluences de la parole produites par l’enfant qui bégaie en comparaison à l’enfant qui ne bégaie pas ?
L’étude se passe à Chypre auprès de 38 enfants de 6 à 9 ans : 19 qui bégaient (diagnostic posé par un orthophoniste et score au moins “léger” à l’ISS-4 de Riley) et 19 qui ne bégaient pas. Les enfants n’avaient pas suivi d’orthophonie, n’avaient pas de troubles quels qu’ils soient. Des mesures psychométriques ont été administrées avec l’épreuve de vocabulaire et de cubes, sans qu’il n’y ait de différence significative entre les 2 groupes. Au niveau du langage oral, aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes.

La principale constatation est qu’une moindre maîtrise du contrôle inhibiteur et de la flexibilité cognitive est associée à une augmentation de la production de disfluences caractéristiques du bégaiement dans le groupe des enfants qui bégaient (mais pas des autres disfluences).

Chez les adultes qui bégaient, cette augmentation de la fréquence du bégaiement dans les conversations corrélée à une faiblesse du contrôle inhibiteur avait déjà été démontrée par Bakhtiar et Eggers en 2023. D’autres études ont prouvé que les adultes qui bégaient présentent des difficultés d’inhibition des réponses vocales planifiées (Ning et al., 2017) ; un lien a été également établi entre les voies neuronales associées au contrôle inhibiteur et la gravité du bégaiement (Neef et al., 2018).

Pour aller plus loin, dans une étude antérieure, aucune différence de flexibilité cognitive n’a été constatée entre l’enfant qui bégaie d’âge préscolaire et l’enfant qui ne bégaie pas, alors qu’on relève des coûts de performance significativement plus élevés en termes de vitesse et de précision à l’âge scolaire. Ceci pourrait indiquer que la flexibilité cognitive contribue peut-être à la persistance du bégaiement.
Les résultats actuels peuvent être liés au modèle des fonctions exécutives de Anderson & Ofoe (2019), qui aborde spécifiquement les rôles du contrôle inhibiteur et de la flexibilité cognitive dans l’apparition, le développement et la persistance du bégaiement. Les auteurs émettent l’hypothèse que des déficits de contrôle inhibiteur et de flexibilité cognitive peuvent affecter l’émotion, la sensorialité, la motricité et le langage, entraînant des disfluences dans la production de la parole.

Pourquoi c’est important

Différents auteurs ont montré que les difficultés de planification de la parole augmentent la fréquence des troubles de la parole, entraînent une faible efficacité langagière et une augmentation des exigences attentionnelles. Le contrôle inhibiteur et la flexibilité cognitive sont associés au développement, à la formulation et à la production de la parole et du langage.

Traiter le langage, la parole et la fluence, c’est intégrer la composante transversale, exécutive et adaptative.

Si les résultats de la présente étude semblent s’aligner sur de nombreuses données, il faut bien tenir compte du fait qu’il s’agit d’un sujet à l’étude. La science dédira ou infirmera peut-être partiellement les éléments de conclusion ; mais il est aussi important d’ouvrir sa propre flexibilité que de faire preuve de sens critique.

Ce que ça change

Cette étude met en évidence le rôle possible des faiblesses du contrôle inhibiteur/de la flexibilité cognitive dans l’apparition et/ou la persistance du bégaiement. Le système de production de la parole et du langage reposerait sur le contrôle inhibiteur et une faible compétence en matière de contrôle inhibiteur entraînerait une proportion plus élevée de disfluences.
Il est donc essentiel de traiter la phonologie, le langage oral et les fonctions exécutives dans le cadre du bégaiement.

Par ailleurs, le contrôle inhibiteur joue un rôle essentiel dans l’autorégulation. Gabrys a montré en 2018 que la flexibilité coopérative aide à réguler les pensées négatives répétitives et à se désengager des aspects émotionnels d’une situation. Ainsi, une faiblesse dans le contrôle inhibiteur et la flexibilité cognitive engendre de la difficulté à réguler l’excitation émotionnelle et les pensées négatives dans des situations communicationnelles.
Intervenir auprès d’enfants qui bégaient devrait donc inclure, en plus des conseils à l’entourage et en complément des TCC, un travail d’autorégulation émotionnelle et d’ajustement aux perturbateurs de l’environnement. En ce sens, le travail des moqueries, hautement TCC, est aussi à considérer d’un point de vue flexibilité pour changer de regard sur la situation et envisager d’autres postures.

Concrètement

  • J’entends l’importance de la planification de la parole et du langage. J’investis d’autant plus l’intervention narrative (décidément mon dada des derniers mois !!). Je travaille à l’organisation du récit, la programmation phonologique.

  • J’entends comme émotion, contrôle, langage, fluence sont liés. Il y a les aspects dopaminergiques. Il y a les aspects émotionnels. Et il y a les aspects exécutifs. J’accompagne l’expression des émotions. J’investis le traitement de l’élaboration psychique dans le cadre du bégaiement du tout petit comme de l’enfant d’âge scolaire.

  • J’intègre le rôle du travail exécutif de la régulation émotionnelle comme un renforçateur de la résilience interne. Je travaille sur la flexibilité cognitive de mon.a patient.e afin de lui permettre de disposer de la ressource nécessaire pour ajuster ses réactions aux interactions avec son environnement.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2024_AJSLP-23-00242

👉 Pour aller plus loin sur cet article, relire le billet 7 sur la résilience et le billet 9 sur l’intervention narrative

👉 Pour aller plus loin sur le traitement du bégaiement de l’enfant d’âge scolaire, rendez-vous onglet formation.

#Expertise Bégaiement #Résilience #Inhibition #Flexibilité #Fonctionsexécutives

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 9

Titre de l’article : Intervention narrative individualisée pour les enfants d’âge scolaire ayant un trouble du langage spécifique

Auteurs : A. Hessling, C. M. Schuele

Date de parution : 15 avril 2020

Résumé en quelques mots

La production narrative est définie comme la présentation orale d’événements ou d’expériences causalement liés dans un ordre temporel (Peterson, 1990). Les tâches narratives comprennent le récit et la génération d’histoires fictives ou personnelles.

L’intervention narrative a démontré son efficacité pour augmenter la productivité et la complexité du langage.

Pour inscrire la démarche au plus près de l’EBP, il est recommandé d’utiliser des protocoles de traitement standard qui fournissent une structure et soutiennent la mise en œuvre d’une intervention avec fidélité.

Story Champs en fait partie et s’adresse au grand ou petit groupe comme à l’individuel.

Chaque session d’intervention Story Champs comprend huit étapes réparties sur deux segments : raconter une histoire fictive et générer une histoire personnelle sur le sujet de l’histoire fictive (c’est-à-dire : « Parle-moi d’un moment où quelque chose comme ça t’est arrivé à toi”).

  • Des images sont placées sur la table pour modéliser une histoire fictive : c’est le segment de récit (étapes 1 à 4).
    Un échafaudage verbal et visuel selon les besoins de l’enfant (lignes de base) est fourni lorsque l’enfant ne produit pas d’élément de grammaire de l’histoire. Par exemple, dans l’élément de grammaire “sentiment”, l’orthophoniste peut poser d’abord une question ( « Comment John s’est-il senti lorsqu’il est tombé de son vélo ? »), puis si nécessaire, un modèle verbal. Cet étayage est ensuite retiré étape par étape dans une logique de zone proximité de développement.

  • Puis l’enfant est invité à raconter une histoire personnelle à l’aide d’une invite initiale (« Parlez-moi d’un moment où quelque chose comme ceci vous est arrivé ») : c’est le segment de génération d’histoires (étapes 5 à 8).
    Si l’enfant ne répond pas à l’invite initiale, l’orthophoniste suit une hiérarchie d’invites supplémentaires pour susciter une histoire personnelle : « Parle-moi d’une fois où tu as été blessé » > « Parle-moi d’un moment où quelqu’un s’est blessé » > « A ton tour de me dire l’histoire que je viens de te raconter » (c’est-à-dire un récit de l’histoire fictive plutôt que la génération d’une histoire personnelle).

Il ressort des données probantes que les Story Champs permettent d’améliorer le récit d’histoires, la génération d’histoires personnelles, l’acquisition de vocabulaire et la compréhension en lecture pour les enfants d’âge préscolaire ayant de faibles compétences linguistiques, pour les enfants d’âge scolaire avec et sans autisme et les enfants bilingues.

Les School-age children with specific Language Impairment (SLI) est le terme désignant un sous-groupe de troubles développementaux du langage dans lequel les enfants présentent des déficits du langage oral et des capacités intellectuelles non verbales dans la norme inférieure (c’est-à-dire un score standard ≥ 90).

Cette étude a porté sur quatre garçons SLI de 8 à 9 ans qui ont suivi le protocole Story Champs à raison de 2 fois par semaine. Trois éléments de grammaire d’histoire individualisés par participant ont été ciblés séquentiellement au cours des semaines d’intervention en fonction des besoins de chaque participant et identifiés au départ.

Selon les résultats, l’intervention narrative est efficace pour les enfants présentant divers handicaps. L’intervention langagière de macrostructure narrative facilite les compétences linguistiques sur le plan académique et social.

Toutefois, la variabilité des résultats démontre que les participants n’ont pas toujours réussi à consolider les compétences narratives ciblées. Une autre étude serait nécessaire pour savoir si les résultats seraient meilleurs si les mesures étaient prises plus tôt après l’intervention (cad sans subir la difficulté de consolidation en mémoire et d’apprentissage à long terme des TDN).

Les bénéfices les plus modestes concernent les objectifs de grammaire d’histoire individualisés, sauf pour les enfants ayant des difficultés de langage narratif plus sévères (taux de progrès plus rapide).

Pourquoi c’est important

Il est établit que les TND produisent des récits

  • moins complexes, moins complets et moins organisés sur le plan de la macrostructure
  • comportant moins de mots au total, moins de mots différents et plus d’erreurs syntaxiques sur le plan de la microstructure

Or des difficultés persistantes dans la production narrative auraient un effet négatif sur la réussite scolaire et sociale des enfants.

De plus, les recherches suggèrent que les compétences narratives orales des enfants soutiennent la compréhension écrite et la transition de la communication orale à la communication écrite (Peterson 1993).

> Il est donc essentiel de donner les moyens à nos petit.es patient.es de converser et partager avec leurs pairs, dit autrement, d’améliorer leur compétence narrative.

Ce que ça change

Cette étude sur l’intervention narrative pousse à envisager le travail du langage oral différemment :

  • en ciblant la macrostructure : la “grammaire de l’histoire”, c’est-à-dire la structure du récit
  • et en ciblant la microstructure : la complexité linguistique inhérente à la macrostructure, c’est-à-dire le vocabulaire et la syntaxe

Concrètement

  • Je propose des opportunités fréquentes de réponse. J’incorpore des invites narratives personnelles et pertinentes.
    Exit le “Alors… tu as fait quoi ce week-end ?…” (trop flou, juste prétexte pour l’occuper le temps d’ouvrir son dossier et pointer sa séance, soyons honnête…), welcome les intrusions d’anecdotes personnelles.

  • Je propose un échafaudage systématique et une rétroaction corrective immédiate.
    Je modélise, je donne un indiçage visuel, gestuel, verbal, sémantique et je passe par le même échafaudage pour soutenir l’expression de mon.a patient.e.

  • J’ai ma grille de lecture pour savoir quel objectif linguistique académique de microstructure (grammatical, lexical…) ou quel élément de macrostructure (grammaire de l’histoire : sentiment, plan, émotion finale…) je dois cibler dans mon intervention.
    Je ne me limite pas à la dichotomie réceptif vs expressif, lexical vs syntaxique, j’intègre une autre dimension et un regard plus transversal.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2019_LSHSS-19-00082

👉 Pour aller plus loin sur cet article, rendez-vous sur orthophonie.app, onglet Mon administratif, pour trouver les utilisations du matériel codé selon la logique de l’intervention narrative.

#Expertise #TND #InterventionNarrative #LangageOral #LO

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

Ressource complémentaire

Définitions opérationnelles et exemples d’éléments de grammaire d’histoire :

Éléments de grammaire de l’histoireDéfinitionExemples
PersonnageToute référence à un acteur (humain ou animal) dans un récit• Il y avait un garçon. • Sydney faisait du roller.
ParamètreToute référence à un lieu ou une heure• Il est allé au parc. • Sydney jalonnait mon allée à rouleaux .
ProblèmeUn événement ou un problème qui suscite une réponse de la part des personnages• Le garçon a vu un vaisseau spatial effrayant et a couru. • Elle a heurté une bosse et est tombée.
SentimentToute référence à un état psychologique tel que des sentiments, des émotions, des désirs ou des pensées liées au problème• Le garçon avait peur . • Elle était triste parce que sa main lui faisait mal.
PlanRéférence à un verbe cognitif qui indique l’intention d’agir sur un événement initiateur• Le garçon a décidé de s’enfuir. • Sydney avait prévu de rentrer chez elle pour se procurer un pansement. • Exemples de verbes cognitifs : décider, penser, planifier, etc.
Tentatives/actionsActions entreprises par le personnage principal en réponse à l’événement/problème initiateur déclaré ou implicite• Le garçon s’est enfui du vaisseau spatial. • Sydney s’est gratté la main au sol lorsqu’elle est tombée et après cela, elle est restée à l’écart des bosses.
ConséquenceLe résultat d’une action liée à l’événement initiateur• Le garçon s’est éloigné en rampant et s’est retrouvé à l’abri des extraterrestres. • Puis son frère lui a demandé : « Est-ce que ça va ? Ensuite, ils se sont amusés à faire du roller ensemble.
Emotion finaleÉmotion spécifique liée à une conséquence• Le garçon s’est senti en sécurité une fois de retour chez lui. • Elle a reçu un pansement et elle était heureuse.

Etapes d’intervention :

Génération d’une histoire fictive :

1. L’orthophoniste modélise l’histoire fictive avec plusieurs exemples d’éléments grammaticaux, des images et des icones

Redite

2. L’enfant répète l’histoire fictive avec images et icones

3. L’enfant répète l’histoire fictive avec icones

4. L’enfant répète l’histoire fictive sans images ni icones ni étayage de l’orthophoniste

Génération d’une histoire personnelle

5. L’orthophoniste accompagne l’enfant à générer une histoire personnelle

6. L’enfant répète l’histoire personnelle avec images et icones

7. L’enfant répète l’histoire personnelle avec icones

8. L’enfant répète l’histoire personnelle sans images ni icones ou étayage de l’orthophoniste

#Expertise – Billet 8

Titre de l’article : Le rôle des interventions comportementales développementales naturalistes (NDBI) dans l’intervention précoce auprès des tout-petits autistes : une étude observationnelle

Auteurs : J. Lee, A. J. Kaat, M. Y. Roberts

Date de parution : 11 janvier 2023

Résumé en quelques mots

Les interventions comportementales développementales naturalistes (NDBI), préconisées face aux troubles du spectre de l’autisme, s’appuient sur les théories constructivistes et socio-interactionnistes du développement (Piaget, Vygotsky) et proposent la création d’interactions engageantes, dirigées par l’enfant et riches en langage.


Les interventions de l’orthophoniste et des parents reposent le schéma : antécédent (“dire Bulles”) > réponse (l’enfant dit “Bulles”) > conséquence (je lui fais des bulles) pour susciter et renforcer la communication de l’enfant. La différence avec le comportemental, c’est qu’il n’y a d’autre récompense que la qualité de relation, le plaisir de l’échange et du moment. Les NDBI ne pourraient donc être proposées sans un partenariat parfait avec les familles, récipiendaires du traitement, dans une approche psychodynamique et écologique.


Parmi ses atouts, la NDBI facilite le développement de la communication sociale des tout-petits, du comportement adaptatif (compétences conceptuelles, sociales et pratiques) et des compétences développementales. Pourtant ces interventions, dont le programme DENVER, reposent sur une pratique dite communautaire (donc en structure) et très intensive (15 à 20h par semaine), peu compatible avec le libéral.

Cette étude auprès d’un petit échantillon de 22 orthophonistes et 25 familles mesure l’habileté (c’est-à-dire la qualité et la quantité) avec laquelle les stratégies NDBI sont mises en œuvre dans le cadre d’une analyse de contenu qualitative.
Au total ont été répertoriées et notées :
– 24 stratégies différentes de facilitation du langage utilisées par l’orthophoniste en séance
– 28 stratégies et activités que les orthophonistes préconisent aux soignants
– 30 comportements, compétences et domaines de développement spécifiques discutés par les orthophonistes et les soignants

En moyenne, les orthophonistes de l’étude n’ont montré de degrés élevés d’habilités dans aucune des stratégies individuelles NDBI.
Par ailleurs, plusieurs stratégies étaient utilisées au cours d’une même séance, contrairement aux protocoles des NDBI qui sélectionnent des stratégies individuelles dans des séquences prédéterminées.
Selon les auteurs, il est probable que différents enfants puissent avoir besoin de plus ou moins de soutien en fonction de leurs profils de communication spécifiques. Les orthophonistes distribuent donc plus de stratégies mais à des degrés d’habilités moindres.
Notons que les orthophonistes avaient une habileté significativement plus élevée dans l’utilisation des stratégies de développement que dans les stratégies comportementales.

Par ailleurs, plusieurs stratégies et activités étaient préconisées à l’entourage au sein d’une seule séance et de nombreuses compétences et comportements dans le domaine du développement étaient discutées au sein d’une même séance. Ces échanges sur les problématiques quotidiennes, habituellement considérées comme ne relevant pas du champ d’exercice des orthophonistes, témoignent de l’importance de la coordination des soins.
D’une part, les orthophonistes peuvent distribuer des stratégies provenant d’autres professionnels et reconnues dans le soutien de l’intervention.
D’autre part, une étude de Aranbarri et al. en 2021 a montré que plus de 80 % des soignants d’enfants autistes (parents, enseignants…) ont signalé des inquiétudes concernant le sommeil, le comportement et les schémas sensoriels de l’enfant. Il est donc naturel que les orthophonistes cherchent à soutenir au mieux les capacités des soignants à répondre aux besoins de l’enfant.
Dit autrement, l’étude a montré que l’orthophoniste s’engage à offrir une large palette de soutien et de conseils individualisés en fonction des besoins et les priorités de chaque famille.

Pourquoi c’est important

Les adultes autistes et autres partisans du mouvement pour la neurodiversité se sont opposés à l’utilisation de nombreuses stratégies comportementales en raison de leurs impacts négatifs sur l’autonomie et la santé mentale des personnes autistes (Sandoval-Norton & Shkedy, 2019). Lire en ce sens le billet 6 #Expertise… La préférence pour les stratégies développementales par rapport aux comportementales est donc un pas important dans la prise en compte des écueils du capacitisme (“validisme”) et de son lot de micro-agressions.

Ainsi je me permets un “Je”. Je préfère travailler à l’écologique, au plaisir, à la satisfaction interne (propre à l’enfant), à la récompense par le moment partagé, l’amour et les encouragements plutôt qu’au bon point ou, pire à mes yeux, au sucre. Pro-développementale ne veut bien sûr pas dire anti-comportementale. Simplement je préfère travailler à cibler/cadrer, pas à diriger/”dresser”.

Ce que ça change

Les NDBI offrent un autre abord des parents partenaires, et de l’EBP.

Ici, l’enjeu consiste à choisir des stratégies et des objectifs d’intervention en fonction des préférences patient. Les habilités seront peut-être de degrés moindres, mais l’intervention privilégiera les stratégies qui respectent les préférences familiales et les pratiques parentales existantes.
Il s’agit bien de “fournir des soins centrés sur la famille”.

Par ailleurs, les auteurs indiquent qu’il est possible que les NDBI soient efficaces pour améliorer les compétences de communication d’autres populations que les enfants autistes. L’emploi de stratégies développementales et naturalistes engagent donc une autre façon de penser le partenariat parental, quelle que soit la cible de l’intervention.

Concrètement

  • Je me nourris des grilles des NDBI pour étaper le parcours de mon.a patient.e. Je maîtrise les attendus par âge. J’observe et analyse les comportements, stratégies et capacités de mon.a patient.e.
    Je m’ajuste au plus près de sa zone proximale de développement et j’expose à la famille sa feuille de route.

  • Je choisis soit de travailler une stratégie à la fois pour monter mon degré d’habilités : présenter, cibler, orienter sur une seule stratégie dans la séance. C’est l’intervention “faisceau laser” !
    Ou au contraire, je choisis de nourrir la séance de différentes stratégies que j’estime complémentaires, ou en étant guidée par l’intérêt de l’enfant : ajuster, repérer sur ma grille d’analyse et répondre en fonction de ce qui se passe en séance. C’est l’intervention “diffuseur d’ambiance” !

  • J’intègre les parents à toutes les séances. Je n’ai pas peur d’être leur interlocutrice sur les problématiques du quotidien (“Je ne sais pas” est une réponse possible, “je vais en discuter avec l’éducatrice” en est une aussi !).
    Je sais que si je tiens bien compte des besoins et des priorités de chaque famille, je peux compter sur les parents pour reproduire les stratégies travaillées dans le contexte écologique du quotidien. Je mesure la différence entre mes maximum 5 séances par semaine (qui l’obtient ?) et les 15h préconisées et je m’appuie sur les soignants pour maximiser mon intervention.

Lien vers l’article complet : https://pubs.asha.org/doi/10.1044/2022_AJSLP-22-00190

👉 Pour aller plus loin sur la guidance parentale, l’accompagnement et le partenariat parental, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation > ChronOrtho module 3 – L’accompagnement parental https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-3-laccompagnement-parental/

#Expertise #Autisme #Microagression #NDBI #Comportemental #Développemental #Ecologique

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

Ressource complémentaire

Stratégies incluses sur le NDBI-Fi :

 Stratégies comportementales
Tentations de communicationL’orthophoniste suscite la communication chez l’enfant en aménageant l’environnement, par exemple en cassant ses attentes dans une routine familière, en mettant les objets souhaités hors de portée ou en lui donnant des jouets qui nécessitent une aide pour fonctionner. Ils doivent attendre que l’enfant réponde à l’épisode d’élicitation et peuvent lancer un épisode d’enseignement direct si l’enfant ne répond pas avec la compétence ciblée.
Fréquence de l’enseignement directL’orthophoniste encourage l’enfant à utiliser une compétence ciblée en utilisant une sorte d’invite verbale (par exemple, des invites, des questions ouvertes, des questions à choix). Les invites doivent inclure des instructions de l’orthophoniste, une réponse de l’enfant et un renforcement de l’orthophoniste pour être considérées comme un épisode d’enseignement direct.
Qualité de l’enseignement directLes épisodes d’enseignement direct
– sont clairs
– suscitent une compétence de communication égale ou juste au-dessus du niveau de développement de l’enfant
– sont utilisés lorsque l’enfant est motivé et intéressé par l’objet/l’action que l’orthophoniste incite
– incluent un échafaudage pour soutenir une réponse correcte si l’enfant ne répond pas initialement avec la compétence suggérée
– terminent par la fourniture d’un renforcement naturel et approprié à l’activité.
 Stratégies de développement
En présentiel et à la hauteur de l’enfantL’orthophoniste fait face à l’enfant à un niveau similaire dans son champ de vision. Les jouets et les objets doivent se trouver entre l’orthophoniste et l’enfant lorsque cela est possible.
Suivez l’exemple de l’enfantL’enfant choisit les activités, combien de temps il reste dans chaque activité et comment jouer pendant chaque activité, l’orthophoniste ayant un rôle actif et honorant les intérêts et les désintérêts de l’enfant. 
L’orthophoniste peut proposer des options pour de nouvelles activités/actions de jeu, mais n’oblige pas l’enfant à suivre.
Affect positif et animationL’orthophoniste utilise un ton optimiste et encourageant, des expressions faciales et un affect global adaptés aux besoins sensoriels et d’engagement de l’enfant.
Modélisation d’un langage appropriéL’orthophoniste utilise des énoncés égaux ou juste au-dessus du niveau de développement de l’enfant et limite son utilisation de questions et d’instructions. Le langage doit être thématiquement lié au centre d’attention de l’enfant.
Répondre à la communication des enfantsL’orthophoniste répond rapidement aux tentatives de communication de l’enfant. Ils doivent répondre à toutes les formes de communication (par exemple, les vocalisations, les mots, les gestes, le regard) et considérer cette communication comme significative. Si l’enfant ne communique pas, l’orthophoniste doit imiter ses actions et les étiqueter avec des commentaires thématiques contingents.
Rythme des modèles verbauxL’orthophoniste fait une pause entre les tours de conversation pour permettre à l’enfant de communiquer, en attendant au moins 3 secondes avant de prendre un autre tour verbal.

Stratégies utilisées par les orthophonistes dans l’étude :

Stratégies de développement
Langage saillant du modèle
Suivre l’exemple de l’enfant
Jouer aux extensions
Prendre des tours de conversation
Étiqueter sa propre action
Mettre en miroir et mappage
Réduire la durée d’énoncé
Réduire les questions
Remarquer et répondre à la communication
Stratégies comportementales
Temporisation
Rapidité
Disposition environnementale
Offrir des choix
Supports de communication
Indices visuels/tactiles/non verbaux
Mots/types de mots spécifiques au modèle
Utiliser la langue des signes
Pause pour donner à l’enfant le temps de traitement
Utiliser le PECS
Régulation émotionnelle/sensorielle, comportement stimulant
Utiliser des activités sensorielles
Disposer d’espaces petits et confinés
Donner à l’enfant de l’espace/du temps seul
Utiliser des jouets/activités d’intérêt spécifiques
Identifier les antécédents de comportement
Stratégies d’interaction entre frères et sœurs
Trouver des activités que les deux frères et sœurs apprécient
Langage modèle pour l’enfant cible
Langage modèle pour les frères et sœurs

Comportements, compétences et domaines de développement des enfants discutés par des orthophonistes et des soignants :

Langue et communication : Langue parlée, Demander, Gestes, Initier des interactions, Engagement conjoint, Lentilles de contact, Questions, Articulation, Langage réceptif, Suivre les instructions, Echolalie, Langage des signes, Prendre le tour, Commentaire, Autre communication sociale

Jeu et compétences cognitives : Jouer, Attention, Résolution de problème        

Valeurs/routines familiales : Logistique, Routine quotidienne, Interactions entre frères et sœurs, Apprendre à faire sur le pot, Autres valeurs familiales

Domaines liés à l’autisme : Régulation émotionnelle/comportement difficile, Besoins sensoriels, Comportements restreints/répétitifs

Autres domaines : Compétences pré-académiques, Dormir, Régime

Taxonomie des interventions du NDBI :

 Le NDBIFi consiste en un système de notation en 8 éléments :

#Expertise – Billet 7

Titre de l’article : Explorer la relation entre la résilience et l’impact négatif du bégaiement chez les enfants

Auteurs : B. M. Walsh, H. Grobbel, S. L. Christ, S. E. Tichenor, K. L. Gerwin

Date de parution : 12 juillet 2023

Résumé en quelques mots

Les impacts négatifs du bégaiement sont définis comme les pensées, émotions et attitudes négatives que les personnes développent en réaction aux limitations dues à leur bégaiement.

Or, si la conscience et les émotions négatives émergent dans l’enfance, très peu d’études jusqu’à présent portaient sur les facteurs de protection susceptibles d’atténuer l’impact négatif du bégaiement.

La résilience en fait partie et est au cœur de cette étude. Loin du sens essoré de la littérature de gare, la résilience “englobe la capacité à persévérer face à des situations difficiles, ce qui en fait un facteur de protection prometteur à cibler en thérapie”. La résilience fait alors référence à l’invulnérabilité propre de l’enfant, mais également dans une vision écologique, aux forces et soutien de l’environnement. La résilience c’est la récupération, l’adaptation ou le rebond après un facteur de stress.

Or la construction de la résilience est dynamique et malléable, faite d’éléments ordinaires et non le fruit d’une personnalité extraordinaire. La résilience se cultive, s’enrichit par les expériences et les interventions de l’extérieur, plus développementale et épigénétique que composante innée. La résilience comprend alors d’un côté des attributs personnels tels l’estime de soi, les capacités de résolution de problème et de l’autre côté des facteurs externes, environnementaux comme ses propres expériences et le niveau de soutien communautaire.

Le lien résilience et bégaiement est maintenant établi : les personnes qui bégaient avec une plus grande résilience ont une meilleure satisfaction dans la vie et une plus grande acceptation de soi.

Cet article propose alors d’envisager la résilience comme un objectif thérapeutique prometteur pour diminuer l’impact négatif du bégaiement dans le temps.

L’étude porte sur 148 enfants âgés de 5 à 18 ans et leurs parents et confirme la forte corrélation entre la résilience et des niveaux plus faibles d’impact négatif.

Plus spécifiquement, les facteurs de résilience externes tels le soutien parental mais aussi l’accès à la nourriture ont un effet modéré. Les facteurs de résilience personnelle tels que l’auto-efficacité et la résolution de problème ont un effet important.

Pourquoi c’est important

Toujours corrélé à la perspective life-span, ce regard sur l’impact négatif du bégaiement dépasse le bégaie/ne bégaie pas pour s’intéresser à la qualité de vie ou la satisfaction personnelle.

Nourrir la résilience est davantage envisagé comme un facteur de protection non pas de la qualité de la parole mais bien du ressenti du locuteur : dans les études citées, certains groupes de référence bégayaient de la même façon post-traitement mais différaient en termes d’impact et donc de vivre bègue.

Ce que ça change

Ce courant reventile la perception des thérapies classées old school il y a peu : TCC, modèle des capacités et des demandes, accompagnement de la communication familiale… Loin du tout technique pro-fluence, il s’agit ici d’accompagner l’enfant qui bégaie à développer sa capacité à grandir avec le bégaiement sans que celui-ci n’impacte sa trajectoire personnelle.

En outre, l’article impulse une dynamique d’accueil du patient non pas seulement “dans sa globalité”, mais davantage dans son auto-efficacité : sa capacité de prise de décision, sa capacité propre de résolution de problème… Le patient n’est pas un être frêle qui attend passivement une solution externe, mais un être complet et pro-actif.

Concrètement

  • En séance, je favorise les facteurs de résilience externes : écouter mon.a patient.e, travailler en partenariat ensemble dans une relation de collaboration et de confiance, entendre et valider ses émotions, faire preuve de chaleur et d’empathie… J’entends l’alliance thérapeutique comme une source de résilience externe et donc de réussite du traitement.
    J’accompagne les familles dans leurs relations parents-enfant en proposant des stratégies d’enrichissement de la communication avec leur enfant : se concentrer sur le message et non la forme, renforcer l’écoute et les échanges, accompagner le quotidien…

  • Je renforce le soutien comportemental selon la taxonomie de l’intensivité de l’intervention. J’aide les familles à offrir un soutien parental, un amour et une acceptation de leur enfant inconditionnels. Je les accompagne à baisser leur niveau d’exigence et à poser un regard moins normatif, plus accueillant sur leur enfant et ses particularités : il s’agit moins de réussite ou de performance, plus de traits de caractère, d’atouts et de ressources pour rendre l’ enfant “responsable d’être le.a meilleur.e d’iel-même”.

  • J’entraîne la résilience personnelle de mon.a patient.e en le.a sollicitant dans la décision partagée, en validant les choix thérapeutiques et les moyens pour y arriver. Je demande souvent “De quoi as-tu besoin aujourd’hui ?”. J’expose mes propositions thérapeutiques : les buts, les perspectives et j’encourage mon.a patient.e à co-créer les contenus de séance.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2023_JSLHR-23-00012

👉 Pour aller plus loin sur cet article, rendez-vous sur begaiement.app (surveillez les parutions de la veille scientifique).

👉 Et pour aller plus loin sur la taxonomie de l’intervention, consultez le module 2 de la formation ChronOrtho “La prise en soin intensive” en cliquant sur ce lien : https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-2-la-prise-en-soin-intensive/

👉 Pour aller plus loin sur le traitement du bégaiement de l’enfant d’âge scolaire, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation.

#Expertise #Resilience  #Impact #taxonomie #Intensivité

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 6

Titre de l’article : Résister au capacitisme dans l’orthophonie en milieu scolaire : une invitation au changement

Auteurs : L. S. DeThorne, H. Gerlach-Houck

Date de parution : 17 janvier 2023

Résumé en quelques mots

“Tu as bien utilisé tes mots doux” sous-entendu “ne bégaie pas”.

Le capacitisme place le.a patient.e en situation de handicap, comprendre d’écart, de déviance à une norme considérée acceptable.

Or notre profession est construite sur le capacitisme : qui a des difficultés, qui n’en a pas ; qui doit ou peut être soigné, qui ne doit ou ne peut pas.

Au niveau sociétal, les stéréotypes se déploient : l’autisme a la figure de Rain Man et le bégaiement celle de l’introverti, timide et nerveux, à traiter comme un enfant. La voie vers l’oppression des personnes handicapées est sociétalement tracée. Car si vous avez un handicap, la société attend de vous que vous recherchiez un traitement, que vous cherchiez à effacer votre neuroatypie. A commencer, dans l’Antiquité, par mettre des cailloux dans la bouche des personnes qui bégayaient.

La revue déplace le regard : nous ne réparons plus des troubles, nous aidons le.a patient.e à vivre mieux. Modèle médical (soigner les troubles) et modèle social (limiter les retentissements sociaux) s’opposent donc dans la rééducation des handicaps.

Ainsi les personnes qui bégaient et les autistes dénoncent le rôle des professionnels (dont les orthophonistes) dans leurs encouragements à masquer (ou camoufler) ou à faire des efforts pour passer pour un membre du groupe dominant dans les interactions sociales.

Spécialement face à l’autisme et au bégaiement, il est donc recommandé de résister au capacitisme. La revue insiste alors sur la nécessité de repenser le rôle des orthophonistes.

Pourquoi c’est important

Le capacitisme peut être ressenti comme des micro-agressions du quotidien. A ce sujet, je vous invite à écouter l’excellent podcast de Je je je suis un podcast, épisode 18 “Les microagressions quand on bégaie”.

Il est donc fondamental d’entendre les conséquences de ses propositions d’aide et des techniques déployées, de l’implicite du compliment à la demande explicite de correction.

Cette revue replace également le focus sur la valeur de la communication. Il y a ce qu’on a à dire et comment on le dit. Il est essentiel pour un.e orthophoniste non seulement de donner la parole au patient.e, mais également de toujours écouter le message et donner priorité à la communication au lieu de jauger les paramètres verbaux et infra-verbaux.

Ce que ça change

Cette étude bouscule le rapport au handicap.

Avant tout, le handicap, c’est nous.

Nous qui jaugeons, nous qui évaluons l’écart à l’attendu normatif. Nous sommes câblés pour identifier la déviance, bref, la différence. Et à la réparer.

Sans ce regard posé sur la différence, la différence s’estompe.

Cette étude questionne aussi la perception des parents et leur capacitisme implicite (ne pas bégayer comme moi par ex). Revoir les attentes n’est pas seulement viser un objectif atteignable mais aussi réviser le capacitisme parental.

Il est en effet question ici de continuum. Il n’y a pas de gap : où le handicap commence / où le handicap s’arrête. Les malhabilités évoluent en troubles plus qu’elles ne basculent.

L’étiquette diagnotique a alors pour fonction de connaître les besoins. C’est une étape nécessaire à l’éligibilité aux aides.

Mais elle ne doit pas être confondue avec une frontière délimitant le monde de ceux qui appartiennent à la marge de celui des normotypiques.

Concrètement

  • Le WISC-V déjà avait fragmenté la conception de l’intelligence pour entendre le continuum et donc casser l’idée d’un profil HPI qui deviendrait différent à 130+ et d’un profil qui n’existerait pas en-deça de 130. On quitte le test de Binet (historiquement pour chercher qui pouvait rester en scolarité normale), on entre en compréhension du fonctionnement cognitif.
    J’entends le profil de mon.a patient.e, avec ses ressources, ses forces et ses failles. Je ne nomme pas une étiquette, une liste de déviances à corriger, mais je fais état de la rencontre avec une personne complexe et riche.

  • Le diagnostic se base sur un ensemble de critères, non seulement normés. L’évaluation psychodynamique, critériée et dynamique permettent de poser un diagnostic évolutif tenant compte des besoins plutôt que de faire coïncider avec un tableau clinique. Le.a patient.e n’est pas un “cas” mais une personne dont j’entends les besoins sans poser d’injonction normative.

  • Stop au capacitisme en matière de bégaiement et de troubles du spectre de l’autisme !! Comme cette famille qui accueillait tellement leur enfant qu’on en oubliait son fauteuil et ses difficultés praxiques, je ne nie pas les troubles, mais je mesure comment mes propositions thérapeutiques et mes feedback peuvent être des microagressions si elles reflètent une demande de normalisation.
    Je centre mon action sur l’humain et j’intègre le modèle social sans l’opposer au modèle médical. Il ne s’agit pas de nier l’existence des troubles mais d’estimer leur impact plus que leur gravité standard.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2022_LSHSS-22-00139

👉 Pour aller plus loin sur cet article, rendez-vous sur begaiement.app (podcast sur le modèle social et le modèle médical + veille scientifique).

👉 Pour aller plus loin sur l’intégration du modèle social dans le traitement du bégaiement de l’enfant d’âge scolaire, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation.

👉 Et pour aller plus loin sur les évaluations psychodynamique, critériée et dynamique, consultez la formation ChronOrtho en cliquant sur ce lien : https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-beta/

#Expertise #ModèleSocial #Capacitisme #Handicap #Microagression

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 5

Titre de l’article : Troubles du neurodéveloppement Repérage et orientation des enfants à risque

Auteurs : Haute Autorité de Santé

Date de parution : Février 2020

Résumé en quelques mots

Les TND sont apparus d’abord avec le DSM-5 (2015 en version française) et la CIM-11 (2018). On parle alors de déviation plus ou moins précoce de la trajectoire développementale typique entraînant des difficultés significatives dans l’acquisition et l’exécution de fonctions spécifiques intellectuelles, motrices, sensorielles, comportementales ou sociales.

Sont alors intégrés au TDN les troubles de la communication, le trouble spécifique des apprentissages mais aussi les troubles moteurs, les handicaps intellectuels, le déficit de l’attention/hyperactivité, les SAF, le trouble du spectre autistique.

Le parcours de dépistage commence dès le contexte de risque qui interpelle le médecin de 1er recours.

Viennent ensuite les signes d’appel qui objectivent les décalages.

Ils sont étayés par les signes d’alerte, qui correspondent à une déviation importante de la trajectoire développementale et déclenchent la recherche diagnostique.

La consultation spécialisée en développement doit statuer sur les signes d’alerte et le caractère pathologique ou non du décalage.

Elle ne remplace pour autant pas la consultation diagnostique spécialisée et multidisciplinaire.

Cette recommandation de la HAS sanctifie l’orientation précoce vers les professionnels et le rôle majeur de la guidance parentale.

L’un des objectifs de la recommandation est effectivement d’accompagner les familles, a fortiori les familles à risque, à commencer par leur expliquer clairement les facteurs de risque et de protection sans rendre cette présentation anxiogène. C’est donner les moyens aux familles d’ajuster leurs stratégies et comportements tant qu’il en est encore temps.

Pourquoi c’est important

L’HAS met l’accent sur le rôle des facteurs environnementaux.

De fait, parmi les signes d’appel, qui précèdent les signes d’alerte, est intégrée l’inquiétude parentale.

“Quel que soit l’âge, toute inquiétude des parents concernant le neurodéveloppement de leur enfant doit être considérée comme un signe d’appel”.

Il est donc enfin officiellement reconnu que la position attentiste “attendez, ne vous inquiétez pas, ça va sans doute passer tout seul” a assez causé de tort et qu’il est préférable de consulter en cas de doute.

Cette recommandation replace l’orthophoniste dans son rôle de diagnostic : on statue sur la pathologie de développement, ce qui ne signifie pas qu’on se substitue à l’équipe.

En effet, l’annonce du résultat du repérage est une obligation déontologique. Elle a pour fonction d’informer clairement et sans alarmisme les parents sur les facteurs de risque et les stratégies de développement.

Ce que ça change

L’HAS insiste sur la notion de continuum entre les différentes catégories nosographiques. C’est toute la finesse de l’avancée conduite depuis le groupe Catalise en 2017 avec la redéfinition des troubles du langage et des sons de la parole. Mêmes difficultés initiales entre “simples” difficultés et “vrai” trouble…

De fait, cette recherche d’identification précoce voire anté-natale des signes d’alerte oriente très clairement vers une intervention précoce. On n’attend plus la consultation PMI… A 18 mois, il est préconisé de ne pas attendre plus de 3 à 6 mois avant de mettre en place les suivis thérapeutiques nécessaires.

L’HAS préconise donc un parcours harmonisé de repérage des troubles grâce aux CRP et au choix des questions anamnestiques.

Concrètement

  • Je respecte le fléchage. J’oriente toujours la famille vers son médecin 1ère ligne. J’incite à remplir les grilles de repérage afin de faciliter le parcours du patient vers un médecin 2ème ligne et j’oriente vers un médecin spécialisé lorsque j’identifie des signes d’alerte.
    De mon côté, à ma place d’orthophoniste, je pose un diagnostic clair et éclairé sur la trajectoire développementale du patient en termes de communication, de langage et d’apprentissages.

  • Je mets en place un questionnaire pré-anamnestique qui tient compte explicitement des facteurs prénataux ou néonataux considérés de haut risque et les facteurs considérés de risque plus modérés. J’utilise également des CRP (comptes-rendus parentaux).
    Je recherche donc activement les facteurs d’appel et les facteurs d’alerte ainsi que les facteurs de risque. Oui, demander la profession de maman pour connaître son niveau d’études et sa catégorie socio-professionnelle a du sens. Oui, demander s’il y a vulnérabilité psycho-affective a du sens.

  • Je travaille +++ avec les parents sans peur de les froisser en nommant les facteurs de risque. J’explique les stratégies favorables, les facteurs de protection et les conduites à tenir comme les facteurs de risque et les conduites à éviter. J’ai conscience que ma peur de froisser m’appartient et que je peux informer avec délicatesse.
    J’ai conscience qu’il est essentiel de ne pas déposséder les parents de leur enfant et de leur restituer leur capacité à agir. Car c’est ça, être responsable de leur enfant.

Lien vers l’article complet : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-03/reco299_recommandations_reperage_tnd_mel_v2.pdf

👉 Pour aller plus loin sur la classification des troubles, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet Ressources > Les services Lobster > Les troubles du langage oral.

👉 Pour découvrir le questionnaire pré-anamnestique écrit par Jérémy Périchon et tenant compte explicitement des facteurs de risque, rendez-vous sur #Orthophonie https://orthophonie.app/#/ .

👉 Pour aller plus loin sur les CRP, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation > ChronOrtho module 3 – L’accompagnement parental https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-3-laccompagnement-parental/ .

Ressource complémentaire

Pour retrouver tous les facteurs de risque, téléchargez le document en cliquant ici :

Organigramme des tests de repérage d’un TDN – HAS

Organigramme des lignes de suivi – HAS

#Expertise #CRP #FacteursDeRisque #SignesdAlerte #SignesdAppel #AccompagnementParental #GuidanceParentale

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 4

Titre de l’article : Enseignement du vocabulaire intégré à l’intervention narrative : une étude de design d’acquisition répétée avec des élèves de 4ème grade à risque de difficultés de lecture basées sur le langage.

Auteurs : T. D. Spencer, M. S. Kirby, D. B. Petersen

Date de parution : 3 janvier 2024

Résumé en quelques mots

La recherche montre que les difficultés de compréhension en lecture chez les enfants défavorisés ou grandissant dans une autre langue maternelle que la langue de l’écrit sont principalement le signe d’une difficulté dans la langue et non dans la lecture de mots. En effet, aux Etats-Unis, une étude nationale a montré que 66% des élèves de 4ème grade (équivalent CM1 en France) ne comprennent pas suffisamment ce qu’ils lisent alors qu’ils ne sont que 12% à lire avec une précision trop faible.

Comme la compréhension en lecture est la résultante de l’identification des mots et de la compréhension du langage, l’écart compréhension/précision est donc lié à une maîtrise du vocabulaire limitée.

L’intervention narrative est une intervention linguistique contextualisée qui aborde différents canaux de langage dit “académique”. Elle utilise la narration orale par le biais de récit, de livres ou de génération d’histoires, avec la promotion ciblée de certaines formes linguistiques :

la grammaire de l’histoire – les mots de l’histoire.

L’étude menée ici auprès de 11 enfants + 3 témoins a permis de démontrer que l’acquisition de vocabulaire grâce à l’intervention narrative avait des effets spectaculaires et durables, dans la mesure où l’intervention avait lieu au moins 2 fois 30 minutes par semaine pendant 6 semaines.

Pourquoi c’est important

L’intervention narrative est déjà validée scientifiquement et son usage augmente ces dernières années, mais pas encore dans le but de travailler la compréhension écrite.

Cet article est précieux car il établit la force de l’intervention narrative sur le niveau de vocabulaire des enfants, y compris en difficultés de langage, et ainsi sur la capacité de compréhension en lecture.

Il préconise donc une prise en charge précoce du vocabulaire en intervention narrative dès la maternelle chez les enfants à risque de développer des difficultés en compréhension du langage écrit.

Ce que ça change

Cet article expose comment intégrer le vocabulaire de façon contextualisée. Le mode d’approche du vocabulaire au sein de l’intervention narrative est alors une approche basée sur l’expérimentation active par le.a patient.e qui définit iel-même les mots, raconte iel-même à nouveau l’histoire.

La modalité de rééducation individuelle est démystifiée puisque l’intervention narrative est recommandée en groupe. De même, le transfert à la maison pour que les parents refassent et entrainent est un relais potentiel qui délocalise la place de l’orthophoniste.

Concrètement

  • Je maximise les effets de mon intervention tout en gagnant en motivation pour mes patient.es grâce aux groupes d’intervention narrative.

  • Je travaille les mots académiques et les mots spécifiques selon la modalité “Intervention narrative”.
    Je présente des mots “difficiles” dans une histoire, je les définis en les indiçant par le contexte, je les discute, je demande à mon.a patient.e de définir entre 2 choix (“ça veut dire ça ou ça ?”), je les redis dans un autre contexte.
    Je travaille sur les structures grammaticales de mes énoncés, la prédiction grammaticale (avec un livre sans texte par exemple), je vérifie le nombre de phrases complexes énoncées par mon.a patient.e (avec parce que, quand, après…).
    Je travaille les éléments du récit. J’offre des occasions de faire redire l’histoire (avec des cartes imagées).

  • Je valide le pouvoir de l’exposition répétée. Comme dans l’étude, j’intègre la maximisation de la rétention par la répétition (et donc la fréquence) et par l’intensification (sur 6 semaines minimum).
    Je crée des “roues d’intensification” en planifiant mes objectifs sur  6 semaines et en vérifiant mon efficacité à travers les résultats post-6 semaines.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1044/2023_AJSLP-23-00004

rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation > ChronOrtho module 2 – La prise en soin intensive https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-2-la-prise-en-soin-intensive/

#Expertise #LangageOral #Maximisation #InterventionNarrative

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 3

Titre de l’article : L’Error-Related Negativity prédit l’apprentissage par le renforcement et les biais de conflit

Auteurs : B.S. Woroch et T. Curran

Date de parution : 2005

Résumé en quelques mots

Les ErN (Error-Related Negativity) sont des marqueurs électrophysiologiques activés dans le cingulaire antérieur. Mesurés par EEG, les ErN produisent une baisse de dopamine quand nous faisons des erreurs dans une tâche cognitive (“Mince, je me suis trompé.e”). Un autre courant attribue à l’ErN un “simple” indice de gestion de conflit cognitif (“Tiens, ça ne s’est pas passé comme prévu”).

L’étude démontre que les ErN ne sont pas seulement responsables de la détection d’erreur mais également de leur correction. Plus les ErN sont larges, meilleure est la capacité d’apprentissage en évitant mieux les réponses inadaptées. Le ralentissement observé après une erreur est donc moins comportemental (ralentissement du délai de réponse) que cognitif (apprentissage pour ne pas reproduire l’erreur).

Les apprenants de l’étude sont répartis en 2 groupes : apprenants par renforcement positif (“c’était bien ça”) ou négatif (“Mince il y a une erreur”). Les apprenants négatifs avaient des ErN plus élevés montrant qu’ils étaient plus affectés par les erreurs et donc apprenaient davantage que les apprenants positifs.

Encore mieux, il démontre que les apprenants qui utilisent leurs ErN – sont plus efficaces que ceux qui apprennent plutôt de leurs réussites (ErN +). En effet, face à une tâche de choix entre 2 bonnes réponses ou 2 mauvaises, l’étude montre que nous sommes davantage enclin à apprendre de nos erreurs que de nos bons choix.

En conclusion, l’article montre que les ErN peuvent être comprises comme un indicateur de la flexibilité cognitive, nécessaire aux apprentissages.

Pourquoi c’est important

L’ErN se déclenche quand le cerveau détecte une erreur :

  • je croyais que j’avais la bonne réponse > c’est pourtant la mauvaise : ErN –
  • Je croyais que j’avais la mauvaise réponse > c’est pourtant la bonne : ErN –

L’ErN – renvoie donc à une erreur de prédiction et non à une erreur cognitive.

Nous pouvons être apprenant “ErN négative” : “j’apprends de mes erreurs” ; ou nous pouvons être apprenant “ErN positive” : “J’apprends de mes réussites”

Or l’étude a établi que les ErN étaient plus importantes face à des erreurs qu’à des réussites. Elle montre donc clairement l‘importance du traitement de l’erreur.

Or l’ErN est dépendante du feedback que l’apprenant reçoit. Je n’ai pas de feedback (pas de “c’est bien ça” ou “ce n’est pas ça”), je n’ai pas d’ErN. Logique.

Cet article est donc important pour comprendre et qualifier le type de feedback à renvoyer en fonction de l’erreur et de l’apprenant.

Ce que ça change

L’amplitude de l’ErN prédit la sensibilité à l’apprentissage par renforcement positif ou négatif, le degré avec lequel les participants apprennent de leurs erreurs.

Il est donc important de savoir comment le patient apprend : plutôt en ErN positif ou négatif, pour savoir comment l’aider dans la correction de ses erreurs et dans sa réatroaction (rétroaction : j’apprends à retenir mon 1er mouvement pour trouver une autre manière de résoudre la tâche. Typiquement c’est la rétroaction qui inhibe le critère longueur pour entrer dans le critère dénombrement).

Puisque les ErN sont aussi responsables de la gestion de conflits, il peut être important de renforcer l’ErN – de nos patients pour les aider à mieux gérer leur affectivité (ne pas avoir peur d’échouer) et ouvrir leur flexibilité cognitive. Ne pas avoir peur du conflit, ne pas avoir peur de l’échec, avoir un sentiment de stabilité et de sérénité face aux apprentissages.

Concrètement

  • Je mesure l’importance de mes retours en rééducation. Il ne s’agit pas que de penser récompense (“c’est bien, bravo” : ErN+), ni même de procéder à des auto-corrections rapides (à l’ordinateur par exemple, et hop, on passe vite à l’item d’après). Il s’agit au contraire de renvoyer le feedback nécessaire au repérage et au traitement de l’erreur.
    J’intègre les ErN négatifs comme une modalité de soutien comportemental.

  • Je prends en compte la sensibilité à la rétroaction. J’ouvre une vraie réflexion sur les erreurs avec mon ou ma patient.e. Je lui permets de connaître ses erreurs, pour savoir comment les éviter plus tard. Je lui apprends à “Rater mieux la prochaine fois” (merci Charles Pépin).
    Je travaille à la sensibilité à la correction des erreurs. J’oriente mon ou ma patient.e vers le mode “lecture”, l’auto-correction au lieu du mode “auto-jugement négatif”.
    Je traite les ErN négatifs comme une occasion d’apprendre.

  • Je quitte ma posture de gentil.le orthophoniste qui place son ou sa patient.e en zone de réussite (“pour l’encourager”) et j’intègre le traitement de l’erreur comme une composante essentielle à l’apprentissage.
    Je considère la zone proximale de développement comme une zone d’erreurs acceptables et compréhensibles et non pas comme une zone de soutien à la réussite.

Lien vers l’article complet : https://doi.org/10.1016/j.neuron.2005.06.020

👉 Pour aller plus loin sur le traitement de l’erreur et le changement de posture, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation > Haut potentiel et apprentissages.

👉 Pour aller plus loin surle soutien comportemental,  rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation > ChronOrtho module 2 – La prise en soin intensive https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-2-la-prise-en-soin-intensive/

#Expertise #langageoral #erreur #apprentissage #savoirêtre

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 2

Titre de l’article : Objectifs de langage réceptif : compréhension ou compliance ?

Auteurs : Roman LaForce

Date de parution : 8 mars 2023

Résumé en quelques mots

Partant du constat que les objectifs réceptifs sont le plus souvent travaillés et évalués sous forme de directives par étapes (“Mets le cube dessus” > “Mets le cube bleu dessus”), Roman LaForce étudie la différence entre compréhension et compliance. Mieux, il évalue comment mesurer la compliance à nos consignes affecte nos patient.es.

La patiente de 2 ans prise en exemple dans l’article oppose un refus quand son orthophoniste ajoute une étape de compréhension (“bleu”) à la consigne (“Mets le cube dessus”) pourtant comprise à 80% la séance précédente.

La question est de savoir si la patiente avait compris la consigne ou simplement suivi la directive ?

Ici, la non-conformité lors de la 2ème séance peut alors être entendue comme le développement d’une compétence linguistique importante : le refus.

Ainsi, si le travail du langage réceptif repose uniquement sur la réponse conforme à des directives, les orthophonistes risquent d’enseigner involontairement une compliance excessive.

Or, la surconformité inhibe l’autonomie : la capacité à dire « non » est en effet la base pour réagir à des dangers tels que des abus potentiels.

De fait, centrer le travail sur la conformité de son ou sa patient.e, non seulement ne concerne pas le langage réceptif véritable, mais également entre en opposition avec le travail d’autonomisation et d’indépendance du ou de la patient.e.

Pourquoi c’est important

La compliance est traduite littéralement par “conformité”. En médecine, la compliance est l’observance du patient, son “obéissance” dans le suivi du traitement prescrit. Mais la compliance c’est aussi le conformisme, la réponse aux consignes, le respect des règles pour prévenir les risques encourus en cas de non-respect.

Or Roman LaForce se réfère à une étude de 2000 qui montre que le risque de maltraitance chez les enfants présentant des troubles du langage est 3,4 fois plus élevé que dans la population générale.

Il est donc essentiel de faire la part des choses entre savoir comprendre, apprendre à se conformer, et contraindre son ou sa patient.e à une surconformité dangereuse.

Ce que ça change

Cet article s’inscrit dans un mouvement impulsé par le DSM-V de prise en compte globale des impacts fonctionnels et de la perspective “life-span” (tout au long de la vie). Il nous pousse à considérer les impacts fonctionnels inhérents à nos outcomes orthophoniques (les conséquences de l’atteinte de mes objectifs).

Concrètement

  • En séance, j’accepte le “non” comme étant une acquisition, une habilité communicationnelle émergente. J’accueille l’opposition et je formule officiellement un objectif “cadre” quand la séance est mise en échec : visiblement, ce.tte patient.e avait davantage besoin d’apprendre les conséquences de sa non-conformité que d’étoffer le lexique des fruits. Je suis heureuse et soulagée d’apprendre que ma patiente très chutée en réceptif sait s’opposer avec ses camarades (même fortement) et j’en parle très concrètement avec la famille.
    Je travaille avec la non-conformité que j’accueille comme un outcome fonctionnel.

  • Je comprends le travail réceptif comme étant intégré dans un travail linguistique global. Je travaille les compétences linguistiques ensemble dans un seul objectif linguistique expressif. L’amélioration des performances expressives peut être entendue comme un bon indicateur de la compétence en langage réceptif.
    Je travaille les outils linguistiques dans leur globalité en intégrant les inter-dépendances expressif-réceptif.

  • Je modifie la formulation de mes objectifs vers plus de naturel en incluant la réponse à mes consignes et à mes questions avec des concepts linguistiques (dont le “non”) plutôt que de simples réponses favorables à mes directives.
    Je comprends les réponses de mon ou ma patient.e de manière écologique, fonctionnelle et psychodynamique.

Lien vers l’article complet : https://leader.pubs.asha.org/do/10.1044/leader.MIW.28032023.slp-compliance-comprehension.32/full/

👉 Pour aller plus loin sur cette intégration psychodynamique globale, consultez la formation ChronOrtho en cliquant sur ce lien : https://lobster-orthophonie.com/formations-en-ligne/e-learning/chronortho-beta/

#Expertise #langageoral #réceptif #compliance #lifespan

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement

#Expertise – Billet 1

Titre de l’article : Efficacité du traitement de modification du bégaiement chez les enfants d’âge scolaire qui bégaient : un essai clinique randomisé

Auteurs : Anke Kohmäscher, Annika Primaßin, Sabrina Heiler, Patricia Da Costa Avelar, Marie Christine Franken, Stefan Heim

Date de parution : 6 novembre 2023

Résumé en quelques mots

Etude prospective randomisée réalisée en Allemagne où 45 000 enfants d’âge scolaire bégaient.

Le but de l’étude est d’évaluer l’efficacité de la méthode KIDS (traitement le plus répandu en Allemagne) sur les enfants d’âge scolaire qui bégaient quant à l’amélioration de leurs capacités cognitives, affectives et comportementales. Le protocole KIDS repose sur la modification du bégaiement en 5 phases selon le traitement de Van Riper à destination des adultes.

Conclusion de l’article : “Le traitement individuel et ambulatoire de modification du bégaiement avec KIDS pour les enfants d’âge scolaire qui bégaient réduit efficacement les aspects affectifs et cognitifs du bégaiement en 3 mois. De plus, des améliorations cliniquement significatives des aspects comportementaux du bégaiement peuvent être attendues au cours d’une période de 12 mois.”

Pourquoi c’est important

Après des années de domination du modèle médical visant à réduire les symptômes du bégaiement et améliorer la fluence, le modèle social et le mouvement d’acceptation du bégaiement opposent un focus sur les comportements de communication et la notion de fluidité.

Cette étude, basée sur un modèle théorique de modification du bégaiement, aborde les effets sur les aspects comportementaux et affectifs de la communication de l’enfant qui bégaie.

Ce que ça change

Cette étude participe à prouver qu’aucun extrême n’est bon ! Il n’y a pas débat modification du bégaiement vs acceptation du bégaiement. Travailler la fluence, c’est donner les moyens de sentir plus de fluidité et donc d’expérimenter plus de situations de communication, réduire l’impact du bégaiement au quotidien et baisser le sentiment de gravité du trouble. Travailler la technique permet d’abord de nourrir la communication.

Concrètement

  • L’étude se base sur la durée probante de 3 mois pour mesurer l’efficacité du traitement. Il est important pour tous les traitements de ne pas attendre davantage avant de jauger l’efficacité du protocole choisi ou la prise thérapeutique.
    Je fais un point tous les 3 mois pour estimer l’impact de ma thérapie orthophonique.

  • Dans cette étude, les effets ne se concentrent pas que sur la modification du bégaiement bien que ce soit la direction du traitement mais questionnent également les parents sur la gravité subjective et les effets au quotidien.
    J’intègre les parents tous les 3 mois dans un temps dédié (séance d’entretien parental) pour mesurer l’impact du traitement dans la vie quotidienne.

  • L’étude, quoique basée sur la modification du bégaiement, intègre le bégaiement dans toutes ses dimensions : symptomatiques, affectives, cognitives, comportementales, fonctionnelles.
    Je n’oppose plus modèle médical et modèle social mais je m’oriente vers la thérapie mixte (ce que Lobster Orthophonie a toujours préconisé, ça tombe bien !).

Lien vers l’article complet : https://pubs.asha.org/doi/epdf/10.1044/2023_JSLHR-23-00224

Pour aller plus loin sur cet article, rendez-vous sur begaiement.app (surveillez les parutions de la veille scientifique).

Pour aller plus loin sur le traitement du bégaiement de l’enfant d’âge scolaire, rendez-vous sur lobster-orthophonie.com, onglet formation.

#Expertise #Fluence #Fluidité #Techniques #Communication #Acceptation

#2024

#LobsterOrthophonie #Orthophonie #Bégaiement